Voyez: nous félicitons les gens endurants; vous avez entendu l’histoire de l’endurance de Job et vu le but du Seigneur parce que le Seigneur a beaucoup de cœur et montre de la pitié.
Jacques 5,11
Le Comité exécutif du Conseil œcuménique des Églises (COE), réuni à Chypre du 21 au 26 novembre 2024, appelle toutes les Églises membres du COE à prier pour le peuple haïtien et à lui manifester sa solidarité chrétienne. Nous prions pour que Dieu montre de la compassion pour les habitant-e-s de ce pays en difficulté, et qu’il réponde à leurs cris.
Bien qu’accablé tout au long de son histoire par l’héritage du colonialisme, de l’esclavage et des occupations récurrentes des États-Unis d’Amérique, Haïti a également été un symbole de liberté pour celles et ceux qui enduraient ces oppressions: il a été le premier État souverain des Caraïbes, la deuxième république d’Amérique, le premier pays américain à abolir officiellement l’esclavage, et le seul pays de l’histoire à être né de la révolte de personnes réduites en esclavage. Sa population a toutefois été écrasée par les réparations oppressives et illégitimes que lui imposait la France, et a souffert pendant plusieurs générations de l’instabilité politique, de la guerre, de l’isolement international et du régime dictatorial brutal de la famille Duvalier (1957-1986). Les souffrances du peuple haïtien ont empiré sous l’effet des épidémies et des catastrophes naturelles récurrentes. En 2024, Haïti est confronté à de graves crises économiques et politiques, à une aggravation de la violence des gangs et à l’effondrement de son gouvernement et de ses infrastructures institutionnelles, autant de facteurs qui ont entraîné le délitement de sa cohésion sociale.
Selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, environ 5,5 millions de Haïtien-ne-s auraient besoin d’une aide humanitaire à ce jour. La violence extrême des bandes armées gagne de plus en plus de régions, tandis que la présence des pouvoirs publics ne cesse de s’éroder. L’intensification des violences aggrave la pénurie persistante de services essentiels. Les hôpitaux et les établissements scolaires fonctionnent au mieux par intermittence. Les gens ont peur d’aller travailler, les personnes ayant besoin de soins médicaux évitent de se faire soigner et les parents hésitent à envoyer leurs enfants à l’école, redoutant les balles perdues ou les enlèvements. Un million d’enfants seraient déscolarisés, ce qui augmente le risque que le demi-million d’enfants qui résident dans des zones contrôlées par les gangs soient recrutés par ces derniers. Les hôpitaux et les institutions publiques deviennent des cibles, tout comme les professionnel-le-s qui y travaillent. Beaucoup de personnes sont déplacées et quittent le pays. Et, comme souvent, ce sont les femmes qui subissent les plus lourdes conséquences de la flambée de violence en Haïti. Les cas de viol ont augmenté de 49% entre janvier et août 2023, par rapport à la même période en 2022.
«Un pays a-t-il été livré aux scélérats» (Job 9,24)? «Je hurle vers toi, et tu ne réponds pas. Je me tiens devant toi, et ton regard me transperce» (Job 30,20).
Une Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, menée par le Kenya, a vu son mandat récemment prorogé de 12 mois par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et nous nous réjouissons que du personnel soit mis à disposition pour cette mission, en particulier au Kenya et en Jamaïque.
Le Comité exécutif:
1. Appelle les Églises membres et les partenaires œcuméniques et interreligieux du COE à travers le monde – en particulier aux États-Unis et en France:
- À offrir leurs prières persistantes et ferventes pour Haïti, en particulier pour les personnes touchées par les violences, les déplacements et l’injustice systémique.
- À contribuer à faire connaître la situation en Haïti, trop souvent oubliée ou méconnue.
- À s’engager dans des actions de plaidoyer pour exhorter leur gouvernement à prendre des mesures constructives qui permettront de remédier aux crises humanitaires et politiques en Haïti, en apportant notamment un soutien durable aux efforts de paix.
2. Demande au secrétaire général du COE:
- De consulter les Églises haïtiennes, l’Alliance ACT, les partenaires spécialisés et d’autres partenaires compétents afin de discerner et de mettre en place des solutions concrètes pour que le COE puisse soutenir le ministère des Églises là-bas et exprimer sa solidarité avec le peuple haïtien.
- De plaider pour que la communauté internationale apporte une aide solide et coordonnée à Haïti, notamment en augmentant le personnel et les fonds affectés à la Mission multinationale d’appui à la sécurité pour en faire une mission de maintien de la paix de l’ONU (conformément à la demande des autorités haïtiennes), et en redoublant d’efforts pour stabiliser la gouvernance, reconstruire les institutions et répondre aux besoins humanitaires.
3. Encourage les partenaires œcuméniques, les partenaires spécialisés et les entités du système des Nations Unies:
- À augmenter l’aide humanitaire apportée aux personnes concernées, en donnant la priorité à la sécurité alimentaire, à l’éducation, aux soins médicaux et à la protection des populations vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.
- À soutenir les programmes visant à renforcer la résilience des communautés locales, à favoriser la cohésion sociale et à s’attaquer aux causes profondes de la violence et de la pauvreté.