Oser espérer dans le contexte de la lutte et de la douleur
Introduction
1. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir à cette réunion du Comité central, car elle se déroule dans mon pays natal, où j’ai vécu toute ma vie jusqu’en janvier 2023, date à laquelle j’ai pris mes fonctions de secrétaire général et me suis installé à Genève. Je suis chez moi et je suis fier de mon beau pays, malgré les nombreux défis qu’il doit relever. Si nous sommes en Afrique du Sud, c’est parce que la 11e Assemblée du COE à Karlsruhe a décidé qu’une réunion du Comité central devait avoir lieu en Afrique du Sud, puisque ce pays n’a pas eu l’occasion d’accueillir l’Assemblée en 2022. Je suis heureux que nous soyons ici; il y a tant à apprendre de ce pays et de sa transition d’un régime d’apartheid à un État démocratique sans révolution sanglante. Ces journées nous permettront de mieux comprendre ce pays et de faire le lien avec vos propres contextes et réalités.
2. La lutte menée pendant des décennies en Afrique du Sud pour se libérer des politiques d’apartheid soutenues par l’État est bien connue. L’apartheid – une politique de développement séparé fondée sur des privilèges raciaux accordés aux Blanc-he-s – a désavantagé et déshumanisé la majorité noire du pays. Les Blanc-he-s exerçaient une domination politique, économique, et sociale à tous les niveaux. Mais en 1994, lors des premières élections démocratiques en Afrique du Sud, la justice transitionnelle est devenue une priorité pour réparer les maux et les injustices du régime d’apartheid passé.
3. La transition de l’Afrique du Sud d’un État d’apartheid à une démocratie a comporté plusieurs processus nationaux destinés à traiter le passé violent et douloureux et à transformer le pays en un État stable et pacifique. Les mesures les plus importantes de justice transitionnelle utilisées comprenaient l’amnistie pour les crimes commis pendant l’apartheid qui étaient liés au processus de vérité et de réconciliation, des poursuites pour certains crimes, des réparations pour les victimes, et des réformes institutionnelles.
4. La société civile a joué un rôle important dans la justice transitionnelle en Afrique du Sud. Les organisations non gouvernementales ont contribué à la rédaction de la Constitution, ont apporté leur expertise et leurs conseils au processus de paix, et ont été appelées à mettre en œuvre les structures de l’accord de paix national.
5. Dans ce contexte, je tiens à souligner tout particulièrement le rôle et la contribution des Églises et des autres communautés religieuses dans le démantèlement de l’apartheid. La chose merveilleuse qui s’est produite, c’est que les responsables religieux-euses et les organisations communautaires se sont uni-e-s pour lutter contre le régime de l’apartheid. Cette unité a donné de la force, de l’énergie, et de la détermination pour mettre fin à l’apartheid. Les Églises ont été en mesure d’inciter la communauté internationale à faire preuve de solidarité, de soutien, et d’actions contre le régime de l’apartheid.
6. Et, comme la plupart d’entre vous le savent peut-être, le COE a joué un rôle très important dans le démantèlement de l’apartheid en Afrique du Sud. Le Conseil s’est montré solidaire des Sud-Africain-e-s opprimé-e-s, a soutenu les sanctions et, après la 4e Assemblée historique du COE à Uppsala (Suède) en 1968, a mis sur pied le Programme de lutte contre le racisme. Bien que très controversé à l’époque, ce programme a permis de rassembler les responsables d’Église, de mobiliser la communauté internationale pour qu’elle agisse contre l’apartheid, et de soutenir les Églises d’Afrique du Sud dans leur lutte pour la libération. Pendant deux décennies, il a fourni des fonds et des bourses pour former des dirigeant-e-s noir-e-s, dont beaucoup ont mené la lutte de libération en Afrique du Sud et sont devenu-e-s des leaders dans la politique, la religion, la société, les affaires, et d’autres secteurs dans le pays depuis l’avènement de la démocratie en 1994. J’éprouve une grande joie à servir le COE en tant que secrétaire général, peut-être parce que c’est l’occasion de rendre à une organisation qui continue à se joindre aux luttes de beaucoup d’autres dans la recherche de l’unité et d’une paix juste dans le monde.
7. Je dois cependant admettre que je ressens une profonde tristesse en constatant que l’Afrique du Sud continue de lutter pour sa libération économique, et que la libération politique n’a pas permis d’établir un pays pleinement stable et pacifique. Loin de là. Le pays est saturé de chômage, en particulier chez les jeunes, de corruption à tous les niveaux, d’inégalités économiques et sociales, de violence sexiste, de délestage de l’électricité qui nuit à l’économie, de mainmise de l’État sur l’appareil officiel de politique, de prise de décision au profit de quelques-un-e-s et, bien sûr, de conflits raciaux et ethniques persistants.
8. En Afrique du Sud, nous semblons nous être éloigné-e-s de l’héritage que Nelson Mandela et le Congrès national africain ont défendu et pour lequel ils se sont battus. Ainsi, les élections générales de 2024 ont vu une perte massive de soutien pour le Congrès national africain, un parti qui jouissait autrefois de plus de deux tiers de la majorité des voix, réduit à 40% et contraint de former un gouvernement d’unité nationale. En effet, le peuple sud-africain s’est exprimé et les responsables d’Église ont joué un rôle très important dans ce processus. La justice transitionnelle n’est pas une quête ponctuelle pour redresser les torts du passé; elle doit être un effort continu pour garantir que la justice prévaut même après la transition vers un État démocratique. Dans le contexte sud-africain, les Églises ont non seulement contribué à mettre fin à l’apartheid, mais elles ont joué un rôle encore plus important dans les processus de reconstruction, de développement, et de réconciliation du pays.
9. Nous sommes en Afrique du Sud, mais les expériences, les leçons, et les rencontres que nous évoquons ici peuvent être associées à des expériences similaires dans le monde entier. Je suis sûr que vous conviendrez que nous vivons une période très difficile et turbulente. Des temps de violence et de volatilité. Des temps où nous oscillons entre la détresse et la délivrance, le désespoir et l’espoir, la peur et la foi, le trouble et la paix. Nous avons tendance à vivre dans l’un ou l’autre extrême, voire entre les deux. Le fait est que la stabilité, la sécurité, et la paix sont fortement perturbées.
10. Tous ces problèmes sont dus à l’état dans lequel se trouve le monde actuellement. En ce moment même, le monde est aux prises avec la pauvreté, la violence, les conflits, les guerres, le nettoyage ethnique, l’urgence climatique, les migrations forcées, les guerres commerciales, et bien d’autres choses encore. Les principaux gouvernements réduisent leurs budgets d’aide étrangère, réorientent les fonds vers l’intérieur ou redéfinissent les priorités de leurs engagements en fonction d’intérêts géopolitiques plutôt que de besoins humains. Ces décisions, prises dans des chambres politiques éloignées, ont des conséquences très réelles, immédiates, et dévastatrices sur le terrain. La perte de financement signifie des cliniques vides, des écoles fermées, des magasins d’alimentation vides, et des espoirs brisés pour des millions de familles qui vivent déjà en marge de la société. Les crises – conflits violents, aggravation de la pauvreté, catastrophes climatiques, déplacements forcés, et instabilité économique – décrivent un paysage mondial inquiétant et alarmant.
11. Dans un tel contexte mondial et local, les croyant-e-s sont appelé-e-s à faire preuve de résilience et d’espoir. Nous devons oser espérer même lorsque l’espoir est diminué, épuisé, éteint, et évasif. Et, dans de nombreux contextes, c’est une réalité. L’espoir ne se construit pas seulement sur la résilience, mais sur la résistance. Une résistance qui consiste à refuser d’accepter le monde tel qu’il est, avec toutes ses injustices, sa violence, et ses structures oppressives.
12. C’est précisément ce que nous avons fait en Afrique du Sud. Pendant ma jeunesse, à l’école et à l’université, nous avons résisté à l’apartheid. Nous avons protesté, passé du temps dans les rues plutôt que dans les salles de classe, même si nous pensions que l’éducation était synonyme de libération. Nous avions de la résistance et de l’espoir. Nous chantions We shall overcome («Nous triompherons»), ajoutant même aux paroles que «Nelson Mandela sera roi et portera la couronne». Nous espérions et croyions que cela se produirait, même si cela semblait impossible et inaccessible à l’époque. Et cela s’est produit. L’espoir exige non seulement de la résistance, mais aussi de la persévérance.
13. Pourtant, la base de notre espoir n’était pas le contexte, mais notre foi en Dieu. Nous avons prié, cru, et agi ensemble, et Dieu a remporté la victoire. Comme la foi et l’amour, l’espérance est un don eschatologique. Les Écritures indiquent clairement que nous devons placer notre espoir en Dieu. L’espérance en Dieu, cependant, n’est pas une résignation passive, mais un travail avec Dieu en tant qu’agent-e-s de transformation et de changement. C’est travailler pour la justice, la paix, et l’amour sur Terre. Dans le contexte d’un recul de l’espérance, les chrétien-ne-s sont appelé-e-s à une espérance rédemptrice. Une espérance fondée sur l’œuvre rédemptrice de Jésus qui, par sa mort et sa résurrection, nous a donné une nouvelle espérance, une espérance réconciliatrice, une espérance qui rassemble et maintient toutes choses ensemble dans le Christ ressuscité. En nous réconciliant avec Dieu le Père, le Fils nous réconcilie aussi les un-e-s avec les autres et avec toute la création.
14. C’est ce genre d’espérance que nous avons et partageons en tant que personnes de foi. C’est cette espérance qui inspire le travail et le témoignage du COE. Ainsi, malgré le contexte, nous OSONS ESPÉRER. Je vais maintenant décrire comment le COE vit, témoigne, et travaille dans l’espérance.
De Genève à Johannesburg
15. Les deux années qui se sont écoulées depuis la dernière réunion du Comité central sont passées très vite. En effet, elles se sont révélées être une période très chargée, avec des responsabilités professionnelles exigeantes, la constitution et le développement de l’équipe du bureau du COE, les questions de gouvernance, la connaissance des Églises membres, les questions relatives à l’établissement de la paix dans le monde, la collaboration avec les partenaires œcuméniques et les donateurs, ainsi que les relations avec les organisations non gouvernementales.
16. Tout en m’occupant du personnel et du bureau, je me suis efforcé de renforcer la communauté fraternelle, de rehausser l’image du COE, et de nouer des relations personnelles avec des responsables d’Églises et des partenaires œcuméniques. Ces deux dernières années ont été marquées par de nombreuses visites d’Églises, des conférences, des assemblées d’Églises, des célébrations d’anniversaires importants et des visites à des événements clés, et à des rassemblements œcuméniques. J’ai reçu de nombreuses invitations en tant qu’orateur principal lors d’assemblées d’Églises et de conférences de conseils nationaux d’Églises dans la plupart des régions. Cela m’a permis de rencontrer un grand nombre d’Églises membres, d’invité-e-s internationaux-ales, et même d’Églises qui ne sont pas membres du COE. Ces visites ont donné lieu à des demandes d’adhésion de la part d’Églises qui ne savaient pas grand-chose du COE ou qui ne voulaient pas avoir affaire au COE dans le passé.
17. En juin 2024, le COE s’est installé dans les nouveaux bureaux du bâtiment de Kyoto. Il s’agissait là aussi d’une tâche colossale supervisée par le secrétaire général, tandis que des membres clés du personnel s’acquittaient des tâches nécessaires au déménagement. Je salue le travail accompli par le personnel pour rendre le déménagement facile et sans heurts. Certain-e-s membres du personnel n’étaient pas particulièrement enchanté-e-s de perdre leur espace privé et de passer à un environnement de travail plus ouvert, comme on pouvait s’y attendre. Je suis heureux de dire que la plupart des membres du personnel se sont bien adapté-e-s au nouvel environnement de travail et ont pris leurs marques.
18. En juin 2023, le Comité central a approuvé le Plan stratégique du COE (2023-2030) pour les huit prochaines années, jusqu’à la prochaine 12e Assemblée du COE en 2030, et le Comité exécutif a approuvé le Plan de mise en œuvre en novembre 2023. Au cours des deux années écoulées depuis la dernière réunion du Comité central, nous avons présenté des rapports au Comité exécutif et un rapport mensuel de responsabilité au Comité central, tous indiquant la manière dont nous avons mis en œuvre le Plan stratégique actuel du COE.
19. Le Plan stratégique du COE s’articule autour de quatre objectifs stratégiques: renforcer la communauté fraternelle et approfondir la solidarité et la communauté; témoigner ensemble en tant que disciples transformateurs-trices; encourager la spiritualité, la réflexion, et la formation; et favoriser une communication novatrice et stimulante. Dans mon rapport de mai 2025 au Comité exécutif, j’ai mis l’accent sur les quatre objectifs stratégiques; dans le présent rapport au Comité central, je me concentrerai sur le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité, qui incarne également les objectifs stratégiques du COE.
20. Comme vous le savez, la 11e Assemblée du COE a affirmé que le Pèlerinage était une orientation stratégique et intégrative permanente pour guider le travail du COE. L’Assemblée a qualifié le Pèlerinage d’expression puissante du «compagnonnage», susceptible de renforcer les relations entre les Églises et au sein de celles-ci. Il s’agit d’une invitation, d’une orientation, et d’une méthode qui cherchent à engager la communauté fraternelle des Églises membres et des partenaires œcuméniques. Il renforce la pertinence du COE et la visibilité de la communauté fraternelle dans l’accomplissement d’une vocation commune.
21. La plupart des parties de ce rapport ont pour but de faire connaître la manière dont le COE a vécu le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité. Il propose des activités de programme, des actions, des réflexions, des analyses, et des contributions au travail et au témoignage du COE, en osant espérer au milieu des défis contextuels et mondiaux. Bien que le travail du COE ne se fasse plus en vase clos, mais selon une approche pleinement intégrative et collaborative à tous les niveaux, je me pencherai sur chaque partie du pèlerinage séparément afin de fournir un ensemble d’informations détaillées sur ce qui se fait dans les domaines de la justice, de la réconciliation, et de l’unité, en gardant bien sûr à l’esprit que tout cela fonctionne ensemble, comme nous le verrons dans les informations qui suivent.
Pèlerinage de justice
22. Il est approprié que nous nous réunissions dans le contexte de l’Afrique du Sud, un pays qui a souffert d’injustices raciales, politiques, sexuelles, sociales, et économiques causées par la politique d’apartheid qui a déshumanisé les Noir-e-s et les a privé-e-s de leurs droits humains et de leur dignité humaine. Lors de la réunion du Comité central, nous en apprendrons davantage sur leurs luttes et leur combat pour la justice, qui amplifient également des luttes similaires sur le continent africain et dans le reste du monde.
23. Le Pèlerinage de justice en Afrique du Sud et sur le continent africain a été informé et soutenu par des réflexions et des fondements théologiques profonds. Le document Kairos a aidé les chrétien-ne-s à comprendre leur rôle et leur responsabilité dans la campagne pour la justice. Le document Kairos, adopté il y a 40 ans, établissait une distinction entre la théologie de l’État, la théologie de l’Église, et la théologie prophétique. Il concluait que, face à l’apartheid et aux injustices en Afrique du Sud, l’Église devait adopter une théologie prophétique, une théologie qui défend la vérité de Dieu et la justice dans le monde. Une théologie qui n’est pas neutre mais qui prend le parti des pauvres, des opprimé-e-s, et des marginalisé-e-s.
24. La Confession de Belhar, adoptée par l’Église réformée unifiante en 1986, et aujourd’hui acceptée et adoptée par de nombreuses Églises à travers le monde, s’est attaquée au racisme et à toutes les formes de discrimination, appelant l’Église chrétienne à se lever et à se faire entendre, et à être du côté de Dieu lorsqu’elle œuvre pour la justice dans le monde. Cette confession ou déclaration de foi constitue le fondement théologique de la réconciliation, de la justice réparatrice, et de l’unité.
25. Le travail et le témoignage du COE en matière de justice sont énormes et, bien qu’il ne soit pas possible de tout faire, nous nous efforçons de faire de notre mieux pour traiter les questions les plus urgentes. Je vais maintenant évoquer quelques-unes des principales questions de justice dans lesquelles le COE est engagé. Il est important de noter que les questions de justice ne peuvent pas être séparées en blocs distincts. Elles sont toutes interconnectées et, dans de nombreux cas, ont des racines communes. Toutefois, dans cette section, pour gérer la surcharge d’informations, je les classerai en cinq (5) domaines spécifiques: la justice climatique, la justice économique, la justice raciale, la justice de genre, et la justice en matière de santé. Ce travail est principalement effectué par le Département Vie, Justice et Paix du COE, qui est le nouveau nom de Témoignage public et Diaconie, approuvé par le Comité exécutif en novembre 2024.
Justice climatique
26. De nombreux-euses scientifiques professionnel-le-s, théologien-ne-s, figures politiques, et organisations humanitaires, expriment un sentiment de désespoir face à la catastrophe climatique à laquelle nous sommes confronté-e-s. Les négationnistes de l’urgence climatique n’ont qu’à observer l’évolution des tendances météorologiques dans le monde et à écouter les récits de différent-e-s communautés, pays, et continents pour se rendre compte que ces expériences sont réelles et qu’elles parlent d’elles-mêmes. Les défenseurs-euses du climat nous disent qu’il est déjà trop tard si nous n’agissons pas d’urgence pour inverser la tendance. Pourtant, dans un tel contexte de désespoir, nous osons espérer.
27. Mais l’espoir s’accompagne de la responsabilité de prendre soin, de nourrir, et de soutenir la création de Dieu, sachant que «Au Seigneur, la terre et ses richesses, le monde et ses habitants!» (Psaume 24,1). La première affirmation du Credo des Apôtres est que Dieu est le créateur du ciel et de la Terre. Il s’agit d’une affirmation de la souveraineté divine, de la providence universelle, de la dépendance des créatures, de la responsabilité humaine, et de la bonne gestion. Compris correctement, cela signifie que nous ne pouvons pas continuer à maltraiter la Terre. Nous devons prendre conscience de la responsabilité sociale de la propriété et de la responsabilité générationnelle de tout ce que nous faisons. Une bonne vie n’est pas une bonne vie si elle a des conséquences désastreuses pour la nature, pour nous-mêmes, et pour les générations à venir. Cette bonne création appartient à Dieu dont elle manifeste la gloire. Elle ne peut en aucun cas être la propriété privée d’êtres humains qui ne sont que de passage sur cette Terre. La bonté de la création impose à l’humanité l’exigence éthique de respecter, et même de révérer, la création.
28. Cette création souffre. Il existe des milliers et des milliers d’exemples: l’appauvrissement de la couche d’ozone, le changement climatique, la dégradation des sols, la pollution de l’eau, la déforestation, la destruction des habitats, l’extinction des espèces, ou encore l’utilisation et l’abus de la biotechnologie. Chaque jour semble apporter la nouvelle d’une détérioration supplémentaire de l’environnement.
29. Dans ce contexte de réalités factuelles et de compréhension théologique, il n’est pas étonnant que la 11e Assemblée du COE, qui s’est tenue à Karlsruhe en 2022, ait fait de la justice climatique et du développement durable l’une des principales priorités des travaux du Conseil. Cette priorité n’est pas nouvelle; elle existe depuis longtemps au sein du COE, mais la situation d’urgence climatique actuelle a suscité un regain d’intérêt et de priorité. En conséquence, une commission a été créée pour faire avancer ce travail. J’ai le plaisir de vous annoncer que la nouvelle commission chargée de la catastrophe climatique est déjà au travail.
30. Lors de cette réunion du Comité central, nous lancerons la campagne de la Décennie du COE pour la justice et l’action climatiques. Nous rendons grâce pour tout le travail que tant de nos Églises membres accomplissent déjà dans le domaine de la justice climatique, qu’il s’agisse d’éco-congrégations, de recyclage, d’éducation et de sensibilisation, d’enseignements bibliques, ou d’autres activités transformatrices. Cette décennie sur la justice climatique espère rassembler toutes ces activités, renforcer les efforts mondiaux et locaux, encourager et mobiliser les Églises membres qui doivent encore s’investir dans ce domaine, et travailler avec d’autres organisations non gouvernementales, des gouvernements, et des professionnel-le-s pour continuer à lutter contre la catastrophe climatique. Notre tâche est d’entretenir l’espoir et d’agir de manière responsable en prenant soin de la Terre de Dieu, en l’aimant et en la soutenant.
31. Accueillie par l’Église anglicane du Panama (Iglesia Episcopal de Panama), la Commission pour la justice climatique et le développement durable a suivi une formation destinée aux Églises sur les procédures juridiques climatiques, à Panama City, du 3 au 5 février 2025. Les membres de la Commission ont découvert comment recourir aux mécanismes juridiques pour tenir les gouvernements, les entreprises, et les institutions financières responsables de leurs contributions à la crise climatique. La formation était accompagnée d’un programme d’immersion. La Commission a rencontré des chefs du peuple Guna, visité le Conseil Guna, l’église baptiste Guna, et la communauté Kuna Nega, et s’est entretenue avec le directeur exécutif de la Commission nationale du changement climatique du Panama.
32. La Commission pour la justice climatique et le développement durable s’est réunie en ligne les 2 et 3 avril pour élaborer et finaliser le concept et l’appel à l’action dans l’unité pour la Décennie œcuménique d’action pour la justice climatique, qui sera lancée lors de la réunion du Comité central du COE. J’aimerais demander au Comité central de soutenir avec enthousiasme ce lancement et d’aider à mobiliser les fidèles pour que toutes et tous participent à ces efforts. Nous sommes reconnaissant-e-s du travail déjà accompli par les Églises et les paroisses membres et nous sommes convaincu-e-s que nous pouvons toutes et tous travailler ensemble pour protéger notre mère la Terre.
33. Lors d’une conférence coorganisée par le COE, 50 responsables d’Églises, représentant-e-s de diverses traditions religieuses, organisations œcuméniques, communautés autochtones, et spécialistes du climat, se sont réuni-e-s à Brasilia, capitale du Brésil, du 18 au 20 mars, pour coordonner les efforts en vue d’un engagement significatif dans la perspective de la COP30 des Nations Unies sur le climat et pour veiller à ce que les voix locales soient entendues. Les participant-e-s ont lancé un appel à l’action en vue de la COP30, qui a été remis à la ministre brésilienne de l’environnement et du changement climatique, Marina Silva.
34. Pour préparer et élaborer un appel interreligieux sur la COP 30 des Nations Unies sur le climat, une série de webinaires a été organisée au mois de mars par le Comité de liaison interreligieux auprès de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, qui est coprésidé par le COE. En se concentrant sur des sujets tels que les contributions déterminées au niveau national et le financement du climat, les webinaires conduiront cette initiative interconfessionnelle à développer un Appel à l’action unifié de Talanoa qui fait le lien entre les valeurs spirituelles et les impératifs de la justice climatique.
35. Le COE, en collaboration avec des partenaires œcuméniques, participera à la Conférence préparatoire de la COP des Nations Unies sur le climat qui se tiendra en juin à Bonn, en organisant un dialogue interreligieux Talanoa en personne ainsi qu’une manifestation parallèle sur le thème «Pertes et dommages non économiques et contributions déterminées par la foi».
36. Le COE, la Communion anglicane, la Fédération luthérienne mondiale, la Communion mondiale d’Églises réformées, le Conseil méthodiste mondial, et le Conseil des Églises du Moyen-Orient, ont organisé du 5 au 7 mai une conférence œcuménique qui poursuivra la conversation entamée en mars 2024 sur l’établissement de la «Journée mondiale de prière pour la création» (1er septembre) en tant que fête liturgique dans les confessions occidentales. La conférence explore le potentiel de cette célébration à la lumière du 1700e anniversaire de Nicée, en fondant les discussions sur la proclamation par le Credo de Nicée-Constantinople de notre foi dans le Dieu trinitaire en tant que Créateur.
37. En décembre dernier, le COE a lancé l’édition inaugurale de son magazine Living Planet Monitor (LPM), qui évalue notre engagement en faveur de systèmes alimentaires durables, de la conservation des terres, de la biodiversité écologique, et de la justice dans le domaine de l’eau en Afrique.
38. Pour la première fois, le COE a participé en tant qu’organisation accréditée à la 16e Conférence des parties (COP16) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, qui s’est tenue du 2 au 13 décembre 2024 à Riyad (Arabie saoudite). Le COE a plaidé en faveur de solutions confessionnelles pour la restauration des terres.
39. Le COE a également participé pour la première fois à la 16e Conférence des Parties (COP16) de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, qui s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre. La conférence, qui avait pour thème «La paix avec la nature», a attiré 23 000 participant-e-s de 196 pays.
40. En janvier, le COE a lancé, en collaboration avec le India Peace Centre (Centre indien pour la paix), une coalition interreligieuse sur la terre, l’eau, et l’alimentation, première initiative de ce type en Inde.
41. Le Réseau œcuménique de l’eau du COE a organisé la campagne annuelle des Sept semaines pour l’eau du 5 mars au 14 avril, exhortant les communautés religieuses à agir pour la préservation des glaciers.
42. Je n’ai souligné que les événements que le COE a entrepris au cours des derniers mois, mais beaucoup plus a été accompli depuis que le Comité central s’est réuni à Genève en 2023. Par ailleurs, au bureau du COE, nous nous efforçons de nous rapprocher du mandat de la 11e Assemblée du COE, qui est de parvenir à des émissions nulles d’ici 2030. C’est un objectif ambitieux, mais nous avons réduit le nombre de jours de voyage du personnel, encouragé les réunions en ligne et les webinaires, planté des arbres pour compenser les émissions de carbone, et surveillé notre empreinte carbone, en nous adaptant aux pratiques écologiques dans l’environnement du Green Village.
43. Il ne fait aucun doute que l’accélération de la crise climatique mondiale et le déclin de la volonté politique en faveur d’une coopération mondiale accrue, nécessaire de toute urgence pour y faire face, engendrent le désespoir dans le cœur d’un grand nombre de membres de notre communauté qui ont travaillé longtemps et avec passion pour protéger la création précieuse et unique de Dieu, dont nous faisons partie intégrante. Et en effet, en cette année qui devrait voir le plafonnement des émissions mondiales de CO2 et des réductions rapides dans les années suivantes si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, nous sommes confronté-e-s à une réalité qui continue de conduire notre planète vivante vers un terrible précipice.
44. Néanmoins, même dans ce contexte difficile, je puise de l’espoir dans l’engagement et la détermination de tant de membres de notre communauté et au-delà, qui continuent de croire qu’«un autre monde est possible», et qui continuent d’œuvrer en ce sens. La création de la Commission du COE pour la justice climatique et le développement durable est l’expression de cet espoir déterminé et fournit un cadre pour consolider et renforcer les capacités du mouvement œcuménique en matière d’action climatique en ce moment charnière.
45. Je tire également de l’espoir, une fois de plus, de la mobilisation des instruments et des mécanismes du droit international que des générations de personnes de foi et de bonne volonté ont travaillé à établir, et qui maintenant – en l’absence évidente de la volonté politique et de la responsabilité nécessaires parmi les gouvernements du monde – deviennent des moteurs importants de la responsabilité et de l’action en matière de climat. Je salue l’engagement des jeunes, des personnes âgées, et d’autres citoyen-ne-s concerné-e-s qui ont recours aux tribunaux pour demander à leurs gouvernements, aux entreprises de combustibles fossiles, et à d’autres acteurs-trices de rendre des comptes sur les dommages causés aux générations actuelles et futures de la vie sur Terre. Ces actions sont porteuses d’action et d’espoir.
46. En conséquence, je vous recommande les initiatives prises actuellement par le COE pour encourager et accompagner les Églises, les partenaires œcuméniques, et les membres de notre communauté mondiale, à utiliser les outils juridiques et les forums pour la responsabilité et l’action dans le domaine du climat et de l’environnement. Hope for Children Through Climate Justice (De l’espoir pour les enfants grâce à la justice climatique).
47. Je me réjouis que cela se fasse avec un regard très spécifique sur notre responsabilité vis-à-vis des enfants, dans le cadre de L’engagement du COE en faveur des enfants.
Engagement du COE en faveur des enfants.
48. Suite au lancement de «Hope for Children Through Climate Justice», le nouveau manuel sur la justice climatique destiné aux Églises, notre engagement innovant avec les médias nous a permis d’obtenir un article dans The Guardian et une interview dans une émission dominicale de la BBC pour la présentation de notre outil «Hope for Children Through Climate Justice». Un flyer sur le contenu a été préparé par le théologien Kevin Maina. Par ailleurs, la chanson «Path of Justice» a été créée par un musicien d’une église d’Epsom, au Royaume-Uni, qui a entendu parler de notre manuel «Hope for Children Through Climate Justice» dans le journal. Cette chanson est basée sur le poème d’introduction du manuel, écrit par Faith Sebwa, une jeune sourde de 13 ans originaire du Kenya, et devrait bientôt faire l’objet d’un clip. Une vidéo d’animation expliquant le projet et promouvant le manuel a été créée.
49. Je suis heureux de constater que l’accent mis par le COE sur les enfants et le climat a suscité beaucoup d’intérêt. Plusieurs facultés de théologie et communautés chrétiennes ont demandé des interventions sur l’Engagement du COE en faveur des enfants, en mettant l’accent sur ses ressources pour des choix financiers responsables comme l’une des principales mesures de protection des enfants de notre époque, à la lumière de l’urgence climatique.
50. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire pour inverser le cours de la catastrophe climatique, nous nous réjouissons que la communauté du COE ne reste pas les bras croisés, mais qu’elle suscite et ose activement l’espoir dans son travail et son témoignage dans le monde.
Justice économique
51. Les injustices économiques continuent d’être omniprésentes dans le monde. Les systèmes économiques profitent largement aux riches et affectent davantage les pauvres; les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Même dans les pays qui connaissent des transitions politiques, comme l’Afrique du Sud, celles-ci ne s’accompagnent généralement pas d’une transformation économique. La quête de justice économique sera probablement plus demandée compte tenu des guerres commerciales actuelles et de leur impact sur les pays concernés – les pauvres seront toujours les victimes des récessions économiques. Le COE continue d’entretenir l’espoir et de témoigner en tant que communauté de disciples transformateurs-trices, tout en s’efforçant d’œuvrer pour la justice économique. Voici quelques exemples de ce que nous faisons.
52. Le COE participe à la campagne «Transformer la dette en espoir» . Dans sa déclaration lors de la 58e session du Conseil des droits de l’homme en mars à Genève, le COE a appelé le Conseil des droits de l’homme à soutenir pleinement les propositions de l’expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure d’annuler les dettes injustes et insoutenables sans condition d’austérité nuisible, de soutenir un cadre transparent de restructuration de la dette et une Convention des Nations Unies sur la dette, et de promouvoir un système d’imposition plus juste, en accord avec la tradition biblique du Jubilé.
53. La 6e réunion du Groupe œcuménique sur une nouvelle architecture financière et économique internationale (NAFEI) – composé de responsables d’Églises, d’économistes, et de spécialistes des sciences sociales, réuni-e-s par le COE, la Communion mondiale d’Églises réformées, la Fédération luthérienne mondiale, le Conseil méthodiste mondial, et le Conseil pour la mission mondiale – s’est tenue à Genève du 25 au 27 mars. La réunion a produit un communiqué appelant à court terme à un renouvellement urgent de la solidarité mondiale et à un réengagement en faveur des valeurs démocratiques, des cadres internationaux des droits humains, et des processus multilatéraux de gouvernance économique et écologique mondiale, ainsi qu’à des mesures concrètes pour mettre fin à l’hyperconcentration des richesses et du pouvoir entre les mains de quelques individus et de leurs entités commerciales, notamment par le biais d’une série de politiques fiscales progressives. Il est important que les communautés religieuses ne se contentent pas de critiquer les politiques économiques, mais qu’elles proposent d’autres solutions justes. C’est la tâche de la NAFEI que nous célébrons et reconnaissons avec joie et action de grâce.
54. Enraciné dans l’héritage de la Conférence du christianisme pratique de 1925 – pilier fondateur du mouvement œcuménique - le COE continue à tisser théologie et action sociale en une tapisserie de justice transformatrice. En mai 2025, le COE, par l’intermédiaire de la Commission des Églises pour les affaires internationales (CEAI), a convoqué un colloque historique à Athènes, accueilli par l’Église de Grèce, pour marquer le centenaire de ce rassemblement historique. L’événement, encadré par la réflexion du Rassemblement œcuménique 2024 sur «100 ans d’éthique et d’action sociale œcuménique», a ravivé l’urgence de la vision originale de Stockholm: confronter la guerre, la pauvreté et l’exploitation à l’espérance radicale de l’Évangile.
55. Face aux crises actuelles – effondrement du climat, montée de l’autoritarisme, et démantèlement du multilatéralisme – le colloque d’Athènes, bien qu’organisé par la CEAI, a créé des synergies entre toutes les commissions du COE (Commission des Églises pour les affaires internationales, Commission de mission et d’évangélisation, Commission Foi et constitution, Commission des Églises pour la justice climatique et le développement durable, Commission des Églises pour la santé et la guérison, et Commission des jeunes). La conférence a également abordé la question du système multilatéral défaillant et du système des droits humains, sur lesquels repose une grande partie du travail du COE en matière de justice. La conférence a réaffirmé que la théologie doit à la fois informer et être remodelée par les activités de plaidoyer, afin que le témoignage de l’Église reste «sel et lumière» (Matthieu 5,13-14) dans un monde qui aspire à la clarté morale.
56. Guidé par l’invitation d’Isaïe à «rechercher la justice, corriger l’oppression» (Ésaïe 1,17), le COE défend la dignité humaine par des activités de plaidoyer qui s’étendent aux communautés locales et aux forums mondiaux. En partenariat avec les Églises, les réseaux œcuméniques, et les alliés interreligieux, nous affrontons les inégalités systémiques avec une détermination enracinée dans l’attention préférentielle de l’Évangile pour les personnes marginalisées. Le Bureau du COE auprès des Nations Unies à New York est au cœur de cette vision. Il s’agit d’un espace permettant d’amplifier les voix de la foi dans la gouvernance mondiale. Cependant, alors que les Nations Unies sont aux prises avec leurs propres crises – paralysées par les divisions géopolitiques et l’érosion de la confiance – le COE s’est engagé dans un processus visant à réimaginer sa présence au sein de l’organisation. Le COE est en train de repenser comment le mouvement œcuménique peut témoigner de manière efficace et prophétique à l’ère d’un système multilatéral fracturé.
57. Par tous ces engagements et d’autres encore, le COE travaille avec les Églises membres, les partenaires œcuméniques, les communions chrétiennes, l’Alliance ACT, les organisations non gouvernementales, et d’autres parties prenantes pour œuvrer en faveur de systèmes économiques justes, en prenant en compte et en défendant les droits des pauvres et des nécessiteux-euses. C’est la position de Jésus. C’est là que nous choisissons de nous tenir, alors que nous nous tenons ensemble dans l’espoir et la pratique.
Justice raciale, équité, et inclusion
58. Le racisme, la discrimination, et la colonisation continuent de sévir dans de nombreuses régions du monde. La violence raciale et ethnique fait de nombreuses victimes et perturbe quotidiennement les communautés. De nombreuses personnes vivent avec un sentiment de désespoir face à leur situation. Le COE continue de s’engager dans un travail et un témoignage intentionnels pour lutter contre les injustices raciales et la décolonisation.
59. Deux ressources, les études bibliques sur les églises antiracistes et la boîte à outils pour les églises sans parti pris, ont été publiées en octobre 2024. La boîte à outils a depuis été traduite en français, en allemand, et en espagnol. Ces ressources sont disponibles à la fois en version imprimée et en version électronique, afin de permettre à toutes et tous d’y accéder et de les utiliser. La boîte à outils, associée à des études bibliques sur la justice raciale, permet aux Églises de se repentir de leur complicité avec le racisme systémique et d’incarner l’inclusivité radicale du Christ.
60. Le Groupe de référence pour vaincre le racisme, la xénophobie, les systèmes de caste, et toutes les autres formes de discrimination s’est réuni au Ghana en décembre 2024 et, sur la base des rencontres et des discussions de son pèlerinage, a observé une augmentation des cas de discrimination raciale, de discrimination de caste, et de xénophobie dans le monde entier. Le traitement des migrant-e-s fondé sur les préjugés raciaux reste une évolution préoccupante qui nécessite des interventions structurées de la part des Églises et des personnes de bonne volonté.
61. Le Groupe de référence a affirmé la nécessité de déclarer les années 2025-2034 comme la deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine et a félicité les Nations Unies de l’avoir fait. Dans cette optique, le COE mobilise les Églises pour qu’elles s’attaquent aux séquelles durables de l’esclavage – de l’inégalité structurelle à l’effacement culturel. Cette décennie appelle à des réparations, à l’établissement de la vérité, à l’amplification des voix des personnes d’ascendance africaine dans les espaces œcuméniques, reflétant Ésaïe 61,1: «L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi. Le Seigneur, en effet, a fait de moi un messie, il m’a envoyé pour porter joyeux message aux humiliés, panser ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs l’évasion»; elle nous recommande de nous engager dans cette décennie et d’intensifier nos efforts en faveur de la justice raciale dans les Églises, sur les lieux de travail, et dans l’ensemble de la société. Cette décennie nous offre une «plate-forme humaine» qui nous permet de vivre le pèlerinage de justice et de rechercher la réconciliation avec nos sœurs et frères séparé-e-s par la race, afin que nous ne soyons plus qu’un.
62. Dans le cadre des activités du COE en matière de justice raciale et de lutte contre la discrimination, nous continuons à promouvoir la Semaine de prière pour vaincre le racisme, la xénophobie, les systèmes de caste, et toutes les autres formes de discrimination, qui a lieu chaque année entre le 19 et le 25 mars. Cette semaine couvre les deux journées mondiales – pour l’élimination de la discrimination raciale (21 mars) et pour la commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves (25 mars).
63. La récente conférence œcuménique de Berlin sur la colonisation et le racisme, qui s’est tenue en mai 2025, a rassemblé plusieurs acteurs-trices œcuméniques du monde entier et nous a rappelé les liens entre la politique, l’économie, les religions, les inégalités, les injustices, et le racisme. Des théologien-ne-s, des militant-e-s, et des responsables politiques œcuméniques, ont disséqué une litanie d’expériences mettant à l’épreuve la foi, allant du racisme systémique au racisme interpersonnel, en passant par la xénophobie, l’afrophobie, le castéisme, le classisme, et d’autres formes de discrimination. Le racisme reste une ligne de fracture majeure dans le monde d’aujourd’hui, les expériences et les résultats des Africain-e-s et des personnes d’ascendance africaine étant souvent déterminé-e-s par des politiques, des lois, des systèmes, des structures, et des pratiques fondé-e-s sur des préjugés raciaux.
64. La conférence de Berlin de 1884-1885, qui a suivi l’abolition de l’esclavage des Africain-e-s, a eu pour effet de légitimer la poursuite de l’exploitation de l’Afrique, des Africain-e-s, des terres et des ressources africaines, qui se poursuit malheureusement encore aujourd’hui.
65. La conférence a reconnu que certaines Églises, agences missionnaires, et ministères spécialisés, ont entamé le processus de réparation des préjudices et traumatismes historiques commis à l’encontre des Africain-e-s et des personnes d’ascendance africaine, ainsi que de nombreux autres peuples racialisés du monde entier. La solidarité manifestée par certain-e-s frères et sœurs d’Europe et d’Amérique du Nord, qui sont les descendant-e-s de communautés qui ont été réduites en esclavage et exploitées, a été reconnue et appréciée au cours des échanges qui ont eu lieu tout au long de la conférence. Le fait que l’esclavage et la colonisation aient été en partie informé-e-s et légitimé-e-s par des constructions théologiques qui attribuaient des vertus, des vices, et des qualités chrétien-ne-s à certaines personnes en fonction de la pigmentation de leur peau montre comment la théologie et l’interprétation biblique peuvent être utilisées comme des armes. Les expériences des personnes racialisées dans le monde reflètent un problème plus profond de théologies et d’interprétations bibliques faussées et déformées qui mettent le COE au défi de prendre l’initiative de s’attaquer aux théologies et aux approches toxiques de la mission, de la théologie, de l’ecclésiologie, et de l’interprétation biblique.
66. La conférence a affirmé l’appel de la 11e Assemblée du COE à s’élever en faveur de la décolonisation et la lutte contre le racisme, notamment en faisant intentionnellement le point sur nos propres histoires en tant qu’Églises, agences missionnaires, ministères spécialisés, et en tant que COE. La conférence nous a invité-e-s à rappeler constamment aux gouvernements et aux États de respecter la dignité de toutes les personnes se trouvant sur leur territoire, en particulier les réfugié-e-s et les migrant-e-s, surtout à une époque où les gens sont contraints de migrer en raison de conflits, d’opportunités économiques, et d’urgences climatiques. Grâce à ces efforts, le COE continue d’être porteur d’espoir et de transformation dans la lutte contre le racisme et toutes les autres formes de discrimination.
67. Droits humains et dignité humaine. En s’attaquant aux injustices, il est impératif de défendre la cause des droits humains et de la dignité humaine. Le COE participe à plusieurs activités de ce type. Je n’en citerai que quelques-unes ici.
68. En janvier, une visite en Jamaïque a eu lieu dans le cadre des programmes «Communauté juste de femmes et d’hommes» et «Justice raciale, équité, et inclusion». La Jamaïque fera l’objet d’un examen périodique universel par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en novembre, et la visite comprenait des ateliers visant à sensibiliser au processus et à recueillir les points de vue des participant-e-s afin d’informer une soumission du COE à ce processus, et de défendre la Jamaïque au sein du système des Nations unies. Les préoccupations mises en avant comprenaient les violences sexuelles et fondées sur le genre, ainsi que les implications du changement climatique et de la dégradation de l’environnement sur les droits humains.
69. Outre la soumission de la Jamaïque, en mars, les soumissions à l’examen périodique universel ont été finalisées pour les prochains examens des États-Unis et de la République des Îles Marshall (RIM). Les constituant-e-s des États-Unis – dont l’Église unie du Christ et le Conseil des Églises de Pennsylvanie – ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation de la santé, des réfugié-e-s, et des migrant-e-s, ainsi que l’isolement cellulaire, notamment sous l’angle de l’inégalité raciale et des appels à la justice. Le rapport sur les RIM se fonde sur les préoccupations actuelles liées à l’héritage nucléaire, qui ont été soulevées lors de la visite du COE dans le pays en 2023.
70. Dans la République des Îles Marshall, le COE a transformé le plaidoyer en responsabilité. À la suite d’une visite en 2023 dans des communautés qui souffrent encore des essais nucléaires de l’époque de la guerre froide, le COE a pris l’initiative d’une résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur cet héritage. En octobre 2024, aux côtés de la présidente de la République des Iles Marshall, le COE a condamné la dévastation sanitaire et écologique en cours, déclarant avec Job: «Le cri du pauvre […], lui l’entend.» (Job 34,28). Une deuxième résolution, adoptée la même année, a marqué une étape importante dans la poursuite de la justice réparatrice.
71. L’initiative True Freedom, élaborée par le COE en collaboration avec l’initiative Clewer de la Communion anglicane, est au cœur de ce travail. Fondée sur Galates 5,1 («C’est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés»), cette ressource permet aux Églises d’identifier les victimes de la traite, de démanteler les réseaux d’exploitation, et d’offrir un refuge.
72. La 58e session du Conseil des droits de l’homme (CDH 58) s’est déroulée du 24 février au 4 avril. Le COE s’est engagé en présentant ou en cosignant des déclarations de partenaires sur le changement climatique, la fistule obstétricale, l’Arménie, la République démocratique du Congo et la Papouasie occidentale. Le COE a coparrainé une manifestation parallèle organisée par l’Alliance évangélique mondiale sur le thème «Enregistrement et statut juridique des lieux de culte: Impacts négatifs sur les minorités religieuses».
73. Un impact particulier d’une visite en Angola en 2024 a été noté et salué le 27 mars, lorsque le Conseil des Églises chrétiennes angolaises a convoqué une Conférence nationale sur la prévention de la fistule obstétricale. La visite du personnel du COE (Droits humains, Communauté juste de femmes et d’hommes, et en collaboration avec l’équipe de santé), un an auparavant, s’était engagée avec le conseil et les Églises membres sur cette question, avait lancé une version en langue portugaise du Guide du COE sur la prévention de la fistule obstétricale, et avait encouragé un suivi œcuménique au niveau national.
74. Les 1er et 2 avril, le programme des droits humains, en collaboration avec le programme Paix en Afrique, s’est joint au Réseau africain pour la justice environnementale et économique pour organiser un atelier sur les droits humains avec des représentant-e-s d’églises de l’Ogoniland/Delta du Niger, qui ont subi des décennies de violations des droits humains liées à la dégradation environnementale de leurs terres par les compagnies pétrolières, dont ils ne tirent aucun bénéfice économique. L’atelier a présenté le système des droits humains de l’ONU et les possibilités d’engagement, et a introduit différentes manières de collecter des données et de mener des actions de plaidoyer. Les responsables des églises nigérianes ont assisté à la cérémonie d’ouverture.
75. Le COE a déclaré que la terre, l’eau, et la nourriture sont des dons divins, et non des marchandises, essentiels à la dignité et à la survie des êtres humains. Enraciné dans le Psaume 24,1 («Au Seigneur, la terre et ses richesses, le monde et ses habitants!»), notre travail a continué à défendre l’agroécologie, la souveraineté des semences, et les droits des autochtones, en tant qu’actes de résistance spirituelle contre l’exploitation des entreprises.
76. En Inde, la Coalition interconfessionnelle sur la terre, l’eau, et l’alimentation a réuni des hindou-e-s, des musulman-e-s, et des chrétien-ne-s pour résister à l’accaparement des terres qui menaçait les communautés rurales. En faisant revivre les pratiques agricoles traditionnelles et en défendant les territoires ancestraux, les responsables d’Églises ont également plaidé en faveur de politiques reconnaissant le savoir autochtone comme essentiel à la résilience écologique, en s’opposant aux industries extractives qui «exploite[nt] le faible» (Proverbes 22,16).
77. Le COE a condamné sans équivoque le développement d’armes autonomes («robots tueurs»), déclarant qu’elles constituaient une trahison morale de la vision d’Ésaïe: «Martelant leurs épées, ils en feront des socs […]. On ne brandira plus l’épée nation contre nation» (Ésaïe 2,4). S’alliant à ses partenaires interreligieux aux Nations Unies, le COE a dénoncé la guerre menée par l’intelligence artificielle comme une violation du caractère sacré de la vie, affirmé dans la Genèse 9,6: «Qui verse le sang de l’homme, par l’homme verra son sang versé; car à l’image de Dieu, Dieu a fait l’homme.» En plaidant pour des traités internationaux contraignants, le COE invite les nations à donner la priorité à la dignité humaine plutôt qu’à l’opportunisme militaire. Ce travail n’est pas simplement politique – c’est une rébellion spirituelle contre l’idolâtrie de la violence, témoignant du Dieu qui «il fait droit aux opprimés; il donne du pain aux affamés.» (Psaume 146,7).
78. Contrôle des armes et désarmement. Par ailleurs, au cours de la 58e session du Conseil des droits de l’homme, a eu lieu la commémoration annuelle de la Journée de commémoration des victimes du nucléaire, organisée par la Mission permanente de la République des Îles Marshall, avec le soutien du COE. Le président de la CEAI du COE a pris la parole à cette occasion, exhortant le gouvernement de la République des Îles Marshall à signer et à ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Plus tôt dans la semaine, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la République des Îles Marshall, S.E. l’honorable Kalani R. Kaneko, a rencontré le secrétaire général du COE.
79. La diaspora de la République des Îles Marshall basée aux États-Unis a commencé à se mobiliser pour faire entendre sa voix et ses préoccupations particulières – notamment en ce qui concerne l’accès à des soins de santé adéquats et la protection contre l’injustice raciale – à l’attention du Conseil des droits de l’homme, qui continue à s’intéresser à l’héritage des essais nucléaires dans la République des Îles Marshall.
80. Tous ces éléments sont des indications incroyables de la manière dont le COE travaille dans les domaines de la justice économique et des droits humains. La tâche des Églises ne consiste pas seulement à dénoncer les injustices, mais à rechercher activement la transformation et la création d’un monde meilleur et juste pour tous les êtres humains et la création. Pour ce faire, le COE travaille avec plusieurs autres organisations, conscient que le travail d’équipe et la diversité des compétences sont nécessaires si nous voulons avoir un impact significatif. Je suis profondément touché par l’appréciation des contributions du COE dans ces domaines de la justice.
Justice de genre: Une communauté juste de femmes et d’hommes
81. L’engagement du COE en faveur de la justice de genre est devenu mondial en octobre 2024, lorsque des partenaires œcuméniques se sont réunis à Genève pour la formation annuelle aux droits des femmes. Cinq femmes de Papouasie occidentale, une région aux prises avec la violence et l’occupation, ont participé à ce forum transformateur. Leur participation, soutenue par le COE, a fait écho au leadership de Débora dans Juges 4,5, affirmant le rôle vital des femmes dans l’édification de sociétés justes.
82. En prévision des commémorations mondiales du 30e anniversaire de Pékin dans les espaces religieux et civils, la Communauté juste de femmes et d’hommes a non seulement organisé des discussions JUSTES (JUST Talks) sur les thèmes des 12 domaines critiques du Programme d’action de Beijing, mais les thèmes ont également été la source des prières matinales œcuméniques pendant les 16 jours d’activisme qui ont débuté le 25 novembre. Ces prières ont été formulées par des théologien-ne-s du groupe œcuménique élargi des défenseurs-euses mondiaux-ales de la justice pour les femmes. Malgré les problèmes de fuseaux horaires, nous avons pu assurer la participation d’un grand nombre d’auteur-e-s.
83. Conformément au mandat de la 11e Assemblée du COE de constituer le Groupe de référence sur la justice de genre, l’équipe s’est réunie en personne à Harare, au Zimbabwe, pour contribuer au contenu des plans stratégiques qu’elle a aidé à élaborer pour 2025 et au-delà. Le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité a servi de cadre général à la réunion, avec des visites de terrain intentionnelles (pèlerinages) au Conseil des Églises du Zimbabwe, nos hôtes, à trois de leurs dénominations membres, et à un projet de ferme communautaire baptiste dans la banlieue de Harare, ainsi qu’à un centre d’accueil unique pour les personnes victimes d’abus – Musasa. En outre, le groupe de référence a pu prendre connaissance de réflexions formulées par des Zimbabwéen-ne-s travaillant agissant à la fois au niveau local et au niveau des instances décisionnelles des Églises, dans le cadre d’une session JUST Talks.
84. L’année 2025 a commencé par une série de réunions sur les droits humains, le genre, et la justice raciale et climatique en Jamaïque. Ces réunions ont été organisées par les programmes respectifs en collaboration avec l’Église unie de la Jamaïque et des îles Caïmans, le Conseil des Églises de la Jamaïque, l’Union baptiste de la Jamaïque, le United Theological College of the West Indies and the Caribbean («Collège théologique uni des Antilles et des Caraïbes»), et le North American Council for Mission («Conseil nord-américain pour la mission»). Cette réunion conjointe a permis de mieux faire connaître le travail programmatique du COE et des Églises membres, et a débouché sur des enregistrements du programme «Unis dans la foi» pendant le mois international de la femme. Nous avons également eu la chance que la pasteure Merlyn Hyde-Riley, vice-présidente du Comité central du COE, partage le déjeuner avec l’équipe lors de notre visite de l’église Bethel Baptist, à Half Way Tree.
85. La Semaine internationale de la femme a été marquée par des activités internes: prières matinales œcuméniques organisées conjointement par l’Alliance ACT, la Fédération luthérienne mondiale, la YWCA mondiale, et le Conseil œcuménique des Églises, en utilisant la liturgie de la Journée mondiale de prière, ainsi qu’un hommage au personnel féminin du COE avec la plantation d’un arbre à Bossey pendant les Journées de planification du personnel. Le Groupe de référence pour la justice de genre a fait une déclaration pour la journée, et le président du programme a contribué à des événements organisés par des partenaires en Afrique (Conférence des Églises de toute l’Afrique) et en Asie (Église de l’Inde du Nord). Le COE était également représenté par une petite délégation à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, qui s’est tenue à New York du 10 au 22 mars.
86. Le Groupe de référence du COE sur la diaconie œcuménique s’est réuni en ligne du 31 mars au 1er avril. Le début de l’année 2025 a été marqué par des changements dans le paysage mondial qui ont de profondes répercussions sur la diaconie œcuménique: intensification des conflits et de la militarisation, recul de la gouvernance et des politiques en matière de climat et d’environnement, affaiblissement de la coopération internationale, et réduction de l’aide internationale. Face à ces défis, le Groupe de référence a souligné l’importance de la localisation et du renforcement de la résilience des communautés; du renforcement de la collaboration, de la mise en commun des ressources, et du développement de nouvelles structures de financement entre les Églises, les institutions diaconales, et les communautés pour faire face aux problèmes; et du plaidoyer prophétique dans le soutien aux populations vulnérables, et la promotion de la justice.
Justice en matière de santé: Santé et guérison holistiques
87. L’accès aux soins de santé de base et le caractère abordable des soins de santé de qualité sont une question de justice, en particulier face aux tentatives de privatisation des soins de santé dans de nombreux pays. L’accent mis par le COE sur la santé et la guérison holistiques soutient la capacité des Églises membres à contribuer de manière efficace, efficiente, et durable au bien-être général des personnes dans leurs dimensions physique, émotionnelle, sociale, et spirituelle, et à plaider contre tous les obstacles qui en entravent l’accès.
88. La Commission des Églises pour la santé et la guérison du COE, créée 30 ans après la dissolution de la Commission médicale chrétienne, a rassemblé des compétences œcuméniques mondiales qui ont contribué à établir des priorités dans le domaine de la santé et de la guérison. La Commission a formé des groupes de travail au sein desquels les commissaires peuvent donner des conseils spécifiques sur quatre priorités choisies pour un travail ciblé – 1) Accès et systèmes de santé; 2) VIH et santé reproductive; 3) Santé mentale; et 4) Foi et science. Le COE a également collaboré officiellement avec l’Organisation mondiale de la santé et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH et le sida, faisant ainsi entendre la voix des communautés religieuses sur la scène internationale.
89. Accès et systèmes de santé: L’évolution des politiques internationales a entraîné une réduction précipitée de l’aide à la santé, de l’aide au développement, du soutien humanitaire, et de la coopération internationale, ainsi qu’un déclin brutal du soutien aux institutions internationales, à la recherche, au suivi, et à la coordination de nombreux processus mondiaux. Le travail consiste à mobiliser les responsables religieux-euses et les communautés pour discuter, analyser, et concevoir ensemble des stratégies pour répondre à la crise, ainsi que pour réfléchir théologiquement au moment que nous vivons et développer des messages communs, appelant à des actions et des messages soutenant la durabilité des initiatives de santé publique et des réponses au VIH, et démontrant le besoin et les possibilités au niveau des pays. Le travail encourage les Églises à mobiliser dans la prière la contribution de l’Église pour construire des communautés de guérison, en commençant par nos vies personnelles, nos familles, et nos congrégations, et en équipant également les Églises membres pour qu’elles s’engagent dans un plaidoyer direct – pour rencontrer les représentant-e-s gouvernementaux-ales afin d’appeler à un financement accru et à une action sur les questions de santé, de climat, et de justice sociale.
90. Dans le cadre des efforts visant à équiper les Églises pour qu’elles deviennent des «Églises au service de la promotion de la santé», le COE continue d’organiser des sessions de formation avec des institutions théologiques et des associations chrétiennes de santé au niveau national, afin de soutenir la mise en œuvre de programmes de santé dans leurs Églises.
91. VIH et pandémies: Le travail spécifique sur le VIH a permis d’amplifier les voix des communautés vulnérables, ainsi que de mettre en avant les besoins des enfants vivant avec le VIH et des jeunes vivant avec et affectés par le VIH au niveau national (en Ouganda, au Nigeria, en Namibie, au Malawi, en Zambie, au Kenya, en République démocratique du Congo, à la Barbade, au Cambodge, en Thaïlande, en Colombie, et en Bolivie) et dans les espaces mondiaux (en utilisant la Conférence internationale sur le sida, le petit-déjeuner de prière des communautés de foi aux côtés de l’AGNU, et la Journée mondiale du sida). Le COE a contribué à redonner la priorité au VIH dans les discussions sur le développement. Nous l’avons fait de deux manières: en utilisant les médias laïques locaux et en reliant le VIH à des sujets plus larges (santé sexuelle et reproductive, pandémies, droits humains). Le COE a également publié un nouveau document de discussion intitulé «Bonnes nouvelles dans la lutte contre le VIH: traitement, rétablissement, et guérison – Conversations entre les responsables religieux et les communautés au Nigéria», et publie également quatre manuels théologiques sur le VIH axés sur différents contextes: la prévention, la santé mentale, la migration, et les relations interreligieuses.
92. L’équipe Santé et Guérison a travaillé à la fois sur la scène internationale et dans le contexte local, faisant le lien entre les groupes d’intérêt et la politique. Le COE a démontré sa capacité à s’adapter rapidement aux épidémies affectant les pays prioritaires, tels que la République démocratique du Congo, l’Ouganda, et le Malawi, avec l’épidémie de Mpox en 2024. Le COE a immédiatement produit plusieurs ressources pour répondre à l’épidémie de Mpox et pour guider les communautés de foi dans des actions concrètes.
93. Santé reproductive et dignité humaine: Le COE a publié, de manière participative et consultative, une ressource essentielle permettant aux Églises d’aborder diverses questions de santé reproductive dans leurs propres contextes – Love, Justice, and Reproductive Health: A Framework for Churches («Amour, justice et santé reproductive: Un cadre pour les Églises»). Une série de consultations aide les Églises à analyser et à utiliser cette ressource.
94. Le COE a organisé un webinaire intitulé Safe Spaces for young people in faith communities («Espaces sûrs pour les jeunes dans les communautés religieuses»), passant en revue les pratiques clés des «espaces sûrs» et en discutant de leur définition, de leurs caractéristiques, et de leurs objectifs. En outre, le COE a facilité des sessions régionales en ligne intitulées Listening to Young people («À l’écoute des jeunes»), qui sont des sessions d’écoute à huis clos pour les groupes de travail afin de comprendre comment les jeunes d’Afrique de l’Est naviguent dans les défis de la santé sexuelle et reproductive de l’Afrique de l’Est.
95. Le COE a également organisé des webinaires annuels à l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, soulignant les liens cruciaux entre la santé menstruelle, l’accès à l’eau et l’assainissement, et le rôle des initiatives confessionnelles dans la lutte contre les tabous liés à la santé menstruelle, en travaillant à la prévention de la fistule obstétricale. Le COE a également posé un regard théologique sur la prévention du cancer du col de l’utérus, en travaillant avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’élimination du cancer du col de l’utérus, en soulignant le rôle essentiel des responsables religieux-euses dans la résolution des problèmes de santé, y compris le cancer du col de l’utérus et le VIH, au sein de leurs communautés. Le COE et l’OMS ont également collaboré pour promouvoir le rôle des soins auto-administrés dans la réduction de la mortalité maternelle.
96. Foi et science: Dans le domaine de l’approfondissement de la compréhension par les Églises de la santé et de la guérison d’un point de vue holistique, scientifique, et théologique, il a apporté son expertise aux communautés de foi sur des sujets clés à l’intersection de la foi et de la science. Il a notamment animé un petit atelier en ligne de quatre semaines sur la foi et la génétique, qui a débouché sur un cours de dix modules en collaboration avec le département de bioéthique du Christian Medical College de Vellore, en Inde. En 2024, le COE a coorganisé un webinaire en ligne sur la théologie et l’intelligence artificielle, qui a examiné comment l’intelligence artificielle générative et le transhumanisme remettent en question notre compréhension de la personne et de l’image de Dieu. En mai 2025, un séminaire de suivi d’une journée a été organisé, intégrant un webinaire mondial sur la santé et l’IA, amenant des expert-e-s du monde entier à dialoguer avec des théologien-ne-s sur le sujet.
97. Santé mentale et guérison des traumatismes: Un travail important dans le domaine de la santé mentale, mettant l’accent sur les jeunes, a été réalisé avec une forte représentation des jeunes au sein du personnel et de la Commission des Églises pour la santé et la guérison, ainsi qu’une collaboration étroite avec la Commission des jeunes. Il s’agit notamment de 1) l’organisation de programmes de formation pour 1200 jeunes en Amérique du Nord et en Afrique subsaharienne; 2) la prise en compte des problèmes médicaux et de santé mentale dans les régions en conflit, en particulier chez les jeunes; et 3) la publication par la Commission du COE d’un message intitulé A call for cross-generational action on the Mental Health of Youth («Appel à une action transgénérationnelle sur la santé mentale des jeunes»), à l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse. Le COE continue de promouvoir la Campagne de l’espoir et de renforcer la plate-forme d’apprentissage par les pairs, qui comprend un répertoire de ressources et de documents en ligne sur la santé mentale, menant à un portail en différentes langues, organisé en dossiers distincts pour les fiches d’information, les bonnes pratiques et les ressources, les études et réflexions bibliques, et la littérature scientifique publiée. Un soutien est apporté à la formation à la santé mentale à l’échelle des confessions – en Asie, en Afrique, et en Europe. Par ailleurs, le COE est sur le point de lancer un cours en ligne de 10 modules sur «la santé mentale et les communautés religieuses» en octobre. L’autre grand axe de travail est l’élaboration d’un cadre d’action confessionnel pour la guérison des traumatismes, afin d’aider les communautés religieuses à s’équiper ou à se renforcer pour répondre spécifiquement à l’accompagnement de leurs communautés dans la guérison des traumatismes.
98. Donner aux Églises les moyens de faire face à l’impact du changement climatique sur la santé: Les 28 et 29 avril, un programme de formation innovant d’une journée et demie a été organisé pour donner aux Églises les moyens de faire face à l’impact du changement climatique sur la santé, y compris les litiges climatiques, en s’appuyant sur les expériences et l’expertise de deux des pays les plus touchés d’Afrique et d’Asie: la République du Tchad et les Philippines. La formation a permis de sensibiliser 60 responsables et membres d’Églises à l’intersection du changement climatique et de la santé publique, et de donner aux Églises les moyens de défendre et de mettre en œuvre des initiatives de santé résistantes au climat. L’exercice a favorisé les partenariats communautaires pour renforcer la résilience face aux défis sanitaires liés au climat. La formation comprenait une session commune de formation en ligne de deux heures reliant les deux pays à des participant-e-s du monde entier, notamment des membres de la Commission des Églises pour la santé et la guérison, ainsi que des membres et des dirigeant-e-s de la Plateforme africaine des associations chrétiennes de la santé, du Réseau pharmaceutique œcuménique, de la Conférence des Églises de toute l’Afrique, et de la Conférence chrétienne d’Asie (CCA).
Paix et réconciliation
99. Au cours des deux dernières années, depuis que j’ai pris mes fonctions et bien avant, nous avons beaucoup travaillé sur des initiatives de rétablissement de la paix. Compte tenu des guerres en Ukraine et en Russie, en Palestine et en Israël, nous avons conduit des délégations dans ces pays afin de travailler avec nos Églises membres et d’autres pour promouvoir des dialogues pour la paix, appelant à des cessez-le-feu et à la fin des guerres, et demandant une aide humanitaire et l’accès aux populations touchées. Nous avons planifié une table ronde avec l’Ukraine et la Russie, réunissant toutes les parties prenantes potentielles, mais les Églises d’Ukraine ont finalement eu du mal à y participer pour diverses raisons. Nous avons rencontré les présidents d’Israël et de Palestine pour leur faire connaître la position du COE dans la quête d’une paix juste.
100. Au cours de ces visites dans différents pays, nous avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs président-e-s et haut-e-s fonctionnaires, notamment à Cuba, en Corée du Sud, en Afrique du Sud, au Sud-Soudan, en Colombie, à Taiwan, et au Bangladesh. Grâce à ces engagements, le COE a pu marquer sa présence, jouer un rôle, et trouver des moyens d’aider les pays dans le besoin. Nous avons lancé des projets et déployé du personnel ou en avons nommé de nouveaux en Colombie, au Nigéria, et au Malawi, pour traiter des questions de paix, de santé, et de climat.
101. Une grande partie du temps, des efforts, et des ressources du COE sont consacré-e-s à des initiatives de rétablissement de la paix. Et ce à juste titre si l’on considère la violence, les conflits, et les guerres, qui envahissent actuellement notre monde. Dans son document intitulé «Comment trouver la paix», le COE affirme clairement que la violence n’est pas le moyen de résoudre les problèmes, mais que la paix s’établit par le dialogue. Le COE considère la réconciliation comme un mandat sacré enraciné dans les Écritures. La déclaration de Jésus – «Heureux ceux qui font œuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu» (Matthieu 5,9) – et l’affirmation de Paul selon laquelle «Dieu nous a confié le ministère de la réconciliation» (2 Corinthiens 5,18) guident les travaux du COE. S’appuyant sur ces enseignements, le COE a cherché à guérir les communautés fracturées, à favoriser le dialogue là où la division persiste, et à défendre la dignité des personnes blessées par les conflits.
102. En tant que disciples du Prince de la Paix, nous aspirons à la justice et à la reconnaissance mutuelle de la dignité humaine donnée par Dieu à tou-te-s, sur laquelle se fonde une paix véritable et durable. Cependant, si l’on regarde le monde d’aujourd’hui, le tableau semble terriblement sombre, plein d’injustices, d’escalade de la confrontation et de la violence, et des violations les plus flagrantes de la dignité conférée à chaque être humain par notre Créateur. Nous voyons des personnes et des nations apparemment déterminées à poursuivre une voie autodestructrice de vandalisme environnemental et de catastrophe climatique dans notre maison commune, la planète vivante de la création exquise de Dieu. Nous voyons si peu de compassion, de coopération, de dialogue, et de responsabilité auxquel-le-s nous sommes appelés et pour lesquel-le-s nous plaidons.
103. Mais si l’on regarde au-delà des nuages sombres de la cruauté humaine, de la vénalité, de la bêtise, et de l’indifférence, on trouve toujours le soleil de l’espoir qui brille en permanence et qui est la source de notre foi. Les chrétien-ne-s sont des gens d’espérance, et le mouvement œcuménique est un mouvement contre-culturel d’espérance. Inspiré-e-s par l’espoir que nous donne notre foi en Dieu, nous recherchons la justice parmi l’injustice, la compassion parmi la cruauté, la responsabilité parmi l’impunité, le sens du devoir parmi l’insouciance, et la paix parmi la violence la plus brutale.
104. Dans son travail pour la vie, la justice, et la paix, le Conseil œcuménique des Églises cherche à exprimer et à inspirer l’espoir dans ce monde blessé par la souffrance, dans l’esprit et la tradition de la Conférence du christianisme pratique – dont nous célébrons le centenaire cette année. Dans de nombreux contextes à travers le monde, nous cherchons à promouvoir le dialogue et la coopération pour la résolution des conflits et des divisions.
105. Un exemple emblématique est notre engagement dans le processus de paix en Colombie, en tant qu’«accompagnateur permanent» officiel de la table de dialogue entre le gouvernement colombien et l’EMBF, une faction des FARC-EP. À cette table, nous nous joignons aux Nations unies, à l’Organisation des États américains, et à l’Église catholique romaine, en tant qu’accompagnateurs permanents et États garants, afin de soutenir la recherche d’une paix durable entre le gouvernement colombien et un groupe de guérilla armé. Notre travail se fait en étroite collaboration avec les acteurs-trices ecclésiastiques locaux-ales, tel-le-s que l’Église presbytérienne, DIPAZ, et quelques Églises pentecôtistes, qui ont été une source d’espoir pour la population civile pendant tant d’années de violence.
106. Alors que les progrès du processus de paix ralentissent – un accord de cessez-le-feu n’a pas été renouvelé et le programme de dialogue n’a pas progressé sur les questions de la justice, de la transition des combattants de la guérilla vers la vie civile, de la protection de la population civile, et des transformations territoriales – la fenêtre politique du processus de paix actuel touche à sa fin. Pourtant, le fait qu’un tel processus existe après tant d’années d’un conflit amer et sanglant en Colombie reste un puissant signe d’espoir, avant tout pour le peuple colombien.
107. Outre son rôle d’accompagnateur permanent à la table de dialogue, le COE est également un défenseur engagé de la paix en Colombie et des transformations sociales et économiques nécessaires dans la vie des communautés à travers le pays pour assurer la durabilité de la paix. Lors des précédents changements de gouvernement et d’acteurs-trices armés en Colombie, le soutien et l’engagement de la communauté internationale en faveur de la paix dans le pays a été un facteur clé pour empêcher un renversement complet de la trajectoire vers la paix. Il est probable que cela redevienne important à la suite des élections de l’année prochaine. Quels que soient les changements qui interviendront, le COE, à l’instar de nombreux autres acteurs et actrices dans le monde, continuera à faire entendre sa voix au sein de la communauté internationale pour maintenir le cap sur la paix en Colombie. Le Comité exécutif du COE a été heureux de se réunir en Colombie en juin 2024.
108. Les décombres auxquels Gaza est réduite depuis le 7 octobre 2023 sont peu propices à l’espoir. En effet, après la destruction presque totale des infrastructures civiles de l’enclave et le déplacement répété de la quasi-totalité de la population, le blocus complet imposé par Israël depuis le 2 mars 2025 à l’aide essentielle à la survie de la population de Gaza semble conçu pour écraser tous les vestiges d’espoir qui subsistent. Et pourtant, l’espoir germe à travers les décombres. Écoutez les mots de la Dre Suhaila Tarazi, directrice de l’hôpital anglican Al Ahli Arab, l’un des rares hôpitaux encore en activité à Gaza: «Voilà précisément ce que nous dit notre foi: après une nuit d’obscurité adviendront des lendemains de lumière... Nous pouvons poursuivre notre mission de guérison, notre mission de réconciliation, notre mission de paix. Directeur de l’hôpital de Gaza : «Notre foi nous dit qu’après une nuit d’obscurité adviendront des lendemains de lumière».
109. Bien que les principaux-ales acteurs-trices politiques semblent soit déterminé-e-s à faire table rase de la population de Gaza, soit indifférent-e-s à son sort, l’espoir réside également dans la mobilisation des principes et des mécanismes du droit international. Depuis de nombreuses années, les Églises et les croyant-e-s plaident en faveur de ces principes et mécanismes, et contribuent à leur mise en place, afin de protéger les personnes et les communautés contre la violence et l’oppression des puissant-e-s. Le COE se félicite du rôle et de l’engagement de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale dans ce contexte. J’appelle à nouveau tou-te-s les membres responsables de la communauté internationale à respecter et à se conformer aux décisions de ces tribunaux, en tant qu’autorités judiciaires indépendantes appropriées, pour déterminer ces questions fondamentales de droit international. Les efforts déployés par les puissant-e-s pour saper ou détruire ces institutions et les fondements juridiques sur lesquels elles reposent doivent être dénoncés et combattus.
110. C’est aussi une profonde expression d’espoir que le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI) soit en mesure de poursuivre, bien que dans des circonstances limitées, son ministère d’accompagnement, de présence protectrice, de suivi, et d’information sur la situation des communautés palestiniennes de Cisjordanie et de Jérusalem Est. Je ne suis pas sûr que tou-te-s les membres de la communauté du COE comprennent et apprécient pleinement la contribution unique et précieuse que l’EAPPI apporte au maintien de l’espoir persistant et déterminé d’une paix juste en Terre Sainte. Permettez-moi de vous le dire clairement maintenant. Ce programme, géré par le COE au nom du mouvement œcuménique mondial, est aujourd’hui essentiellement la dernière présence internationale permanente de surveillance et de solidarité dans les communautés de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Ce n’est pas un mince miracle que l’EAPPI continue à servir cette cause, alors que presque toutes les autres présences de ce type ont été fermées ou obligées de partir. Il mérite notre soutien continu et accru, afin d’aider à soutenir l’espoir de justice et de paix sur la terre de naissance du Christ. J’ai le plaisir d’annoncer que le COE a entamé avec succès ses visites de pèlerinage en Palestine et en Israël le mois dernier, en collaboration avec l’Église méthodiste unie. Nous prévoyons d’organiser d’autres visites de ce type pour «aller voir» ce qui se passe dans ce contexte.
111. On peut trouver de l’espoir même au milieu d’une guerre d’une brutalité catastrophique entre seigneurs de la guerre rivaux, comme celle qui afflige encore le peuple soudanais. Les récents rapports sur les massacres de Salha, Omdurman (Le COE exprime son indignation face au massacre de Salha à Omdurman – en anglais) ont illustré une fois de plus les profondeurs de la cruauté humaine et l’apparente indifférence de la communauté internationale face à la souffrance de ses semblables. Mais des voix d’espoir s’élèvent de la petite communauté chrétienne minoritaire et impuissante du Soudan. Dans son message de Pâques à ses fidèles – dont beaucoup sont déplacé-e-s ou réfugié-e-s – l’archevêque Ezekiel Kondo, de l’Église épiscopale du Soudan, a proclamé un message d’espoir, disant que même si «le Soudan doit encore être libéré de la mort, de la destruction, et de la haine […], réjouissons-nous, en faisant confiance à Dieu pour que la situation s’arrange». Car «le Christ a vaincu la mort, et tou-te-s celles et ceux qui croient en lui vivront comme il vit aujourd’hui». (Message de Pâques du Soudan: «Réjouissons-nous, en faisant confiance à Dieu pour la situation s’arrange» - en anglais)
112. Je crois que ce message plante une graine, non seulement dans le cœur des membres de la congrégation dispersée de l’archevêque Kondo, mais – si Dieu le veut – dans le cœur de tou-te-s celles et ceux qui, au Soudan et dans le monde entier, prient et recherchent la paix pour le peuple soudanais.
113. Le COE s’efforce de nourrir cet espoir en soutenant et en accompagnant le Conseil des Églises du nouveau Soudan, et en créant un nouveau Réseau œcuménique pour le Soudan, qui servira de cadre à une solidarité œcuménique internationale consolidée et accrue avec les Églises et le peuple du Soudan. J’ai eu le plaisir de diriger une visite de solidarité au Soudan avec d’autres partenaires œcuméniques. Nous suivons la situation de très près et nous travaillons avec le Conseil national des Églises du Soudan pour œuvrer en faveur de la stabilité et de la paix, en particulier maintenant que la situation est devenue très volatile.
114. De même, en Ukraine, face à la menace existentielle permanente que représente l’invasion illégale et injustifiable de son voisin souverain par la Russie, le COE cherche à encourager la solidarité plutôt que la division, et l’unité d’objectif entre les Églises du pays, alors qu’elles exercent leur ministère auprès du peuple ukrainien au milieu de cette crise nationale. Pâques sur le front en Ukraine: «La résurrection est notre espérance»
115. Si nous insistons, comme nous le faisons dans tous les contextes de conflit et de risque de conflit, sur le fait que le dialogue est la seule voie viable vers une paix durable, un dialogue qui est imposé et qui ne tient pas compte des questions fondamentales de justice et de responsabilité qui sous-tendent le conflit n’est pas un véritable dialogue et ne peut pas conduire à une paix véritable et durable.
116. En attendant, les attaques répétées contre des communautés civiles, même contre des fidèles à l’occasion de la fête de Pâques, devraient heurter la conscience de toutes les personnes de foi et de bonne volonté, et doivent amener tou-te-s les responsables à répondre de leurs actes devant la loi et devant les tribunaux.
117. Je continue à croire que la communauté du COE a un rôle, et même une responsabilité, dans l’engagement d’un dialogue approfondi entre nous sur la vocation chrétienne à être des artisan-e-s de paix dans des contextes aussi concrets que l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Je regrette profondément qu’en dépit de nombreux efforts de discernement, la voie d’un tel dialogue ne soit pas encore apparue. Mais j’espère et je crois avec ferveur que Dieu nous montrera le chemin. Les tentatives du COE d’organiser une table ronde ne se sont pas concrétisées pour de nombreuses raisons, mais nous continuons à encourager le dialogue, ce qui ne va pas sans un engagement prophétique.
118. Par-dessus tout, je puise mon espoir dans la communauté fraternelle du COE, dans le ministère des Églises dans tant de contextes difficiles, et dans leur engagement en faveur de l’unité œcuménique au milieu de toute notre diversité, de nos différences, et de nos divisions. Le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité est une distillation de cet espoir. Dans tous les contextes que j’ai mentionnés, et dans bien d’autres, nous sommes des pèlerins œcuméniques de l’espoir. Tel est notre témoignage dans un monde souffrant, fragmenté, divisé, et angoissé. Amplifions-le.
119. Le renversement inattendu du dictateur syrien Bachar al-Assad et sa fuite à Moscou le 8 décembre 2024 ont marqué un tournant historique pour la Syrie, suscitant chez les Syrien-ne-s et la communauté internationale l’espoir d’une nouvelle ère de liberté, de réconciliation, et d’édification inclusive de la nation. Dans ce contexte, les patriarches et les responsables des Églises de Syrie ont publié une déclaration commune, le 29 décembre 2024, exprimant une vision chrétienne partagée pour l’avenir du pays – une vision fondée sur la souveraineté nationale, l’État de droit, l’égalité des citoyen-ne-s, et le rejet de la domination étrangère et de la fragmentation sectaire. Cependant, les premières promesses de la transition ont été mises à rude épreuve. En mars 2025, une série de massacres perpétrés en représailles dans la région côtière – visant principalement la communauté alaouite – a choqué la nation, les groupes armés fidèles à l’ancien régime ayant exercé des représailles brutales contre les civil-e-s et les forces gouvernementales à la suite d’embuscades et d’attaques. Ces actes de violence semblent s’inscrire dans le cadre d’un effort plus large visant à déstabiliser le pays et à raviver les tensions sectaires. Le COE a condamné sans équivoque ces massacres dans une déclaration publique, affirmant sa solidarité avec les victimes et appelant à la protection de tou-te-s les civil-e-s, à ce que les auteurs-trices de ces actes soient jugé-e-s, et à un engagement ferme en faveur d’une transformation politique pacifique.
120. En réponse à l’évolution de la situation sur le terrain, le COE a lancé une nouvelle initiative visant à renforcer l’approche du dialogue inclusif et à créer des espaces sûrs pour l’engagement des principaux-ales acteurs-trices confessionnel-le-s, de la société civile et des communautés, tout en promouvant des récits inclusifs et des engagements de protection mutuelle. Le projet comprend également des consultations locales et l’accompagnement des Églises et des partenaires locaux dans leurs efforts de médiation des tensions et de plaidoyer pour la protection de la dignité humaine et du patrimoine culturel. Fondée sur les valeurs œcuméniques de justice et de paix, cette intervention s’inscrit dans la continuité de l’engagement de longue date du COE auprès du peuple syrien dans sa quête d’un avenir partagé, inclusif, et sûr.
121. La crise actuelle en Syrie ne peut être considérée isolément. Le COE devrait élaborer une approche programmatique qui tienne compte de la réalité régionale plus large, où l’enracinement autoritaire, l’occupation militaire, l’instrumentalisation de la religion, le nationalisme religieux, l’impunité, la corruption, et la fragmentation sociale, continuent de saper les perspectives de justice et de paix. À cela s’ajoutent les fléaux des déplacements prolongés, de l’effondrement économique, de l’ingérence étrangère, de l’incitation au sectarisme, de la dégradation de l’environnement, du rétrécissement de l’espace civique, de l’érosion de la confiance du public dans les institutions, et de la normalisation de la sauvagerie et de la peur, le tout renforcé par des récits qui déshumanisent et diabolisent «l’autre» au-delà des clivages sectaires, ethniques, et politiques. Pourtant, face à ces réalités décourageantes, le COE doit travailler en étroite collaboration avec les communautés chrétiennes et leurs partenaires œcuméniques – ainsi qu’avec d’autres acteurs-trices de la société civile – pour trouver des moyens de résister au désespoir et de jeter les bases d’une paix juste. Nous sommes convaincu-e-s que, dans toute la région, la citoyenneté inclusive, la solidarité interreligieuse, et la sauvegarde de la dignité humaine, sont des luttes essentielles qui peuvent transformer les sociétés en communautés plus justes et plus inclusives. Par la diaconie prophétique, le dialogue, et les initiatives de paix locales, les chrétien-ne-s sont appelé-e-s à offrir à la fois une boussole morale et un témoignage prophétique, invitant toutes les personnes de bonne volonté à imaginer et à lutter pour un avenir marqué non pas par la peur et l’exclusion, mais par la justice, la réconciliation, et l’appartenance commune.
122. Péninsule coréenne. À la fin de 2023, les fondements sur lesquels reposaient 40 ans d’engagement œcuménique en faveur de la paix dans la péninsule coréenne ont été profondément ébranlés. Depuis le colloque de Tozanso en 1984, le soutien du COE et la facilitation des rencontres et de la coopération entre le Conseil national des Églises en Corée du Sud (NCCK) et la Fédération chrétienne coréenne (KCF) en Corée du Nord étaient fondés sur la priorité politique de longue date du Nord en faveur de la réunification de la Corée. Toutefois, en décembre 2023, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a déclaré que cette politique était un échec et a qualifié la Corée du Sud d’ennemi numéro 1. Ce changement radical de politique est intervenu après une longue période de relative absence de réaction de la part de la KCF, depuis l’échec du sommet de Hanoï en 2019 et le début de la pandémie de COVID-19, au début de l’année 2020.
123. Les responsables du COE ont assisté aux manifestations du centenaire de la NCCK en septembre 2024, qui ont été l’occasion de réfléchir à la fois à la noble histoire de la NCCK en matière de défense des droits humains, de la démocratie, et de la paix dans la région, ainsi qu’aux nouveaux défis dans les relations avec la Corée du Nord.
124. Fin 2024 et début 2025, cependant, des communications ont été reçues de la KCF qui – bien qu’elles ne donnent aucun signe de volonté de renouer avec les partenaires sud-coréens – peuvent indiquer la possibilité de rouvrir partiellement les canaux de communication et de coopération.
125. Entre-temps, la Corée du Sud a connu sa propre crise politique, notamment à la suite de la tentative ratée de l’ancien président Yoon Suk Yeol, le 3 décembre 2024, d’imposer la loi martiale, de la procédure qui s’en est suivie devant la Cour constitutionnelle, et des récentes élections. Le COE a accompagné et exprimé sa solidarité et son soutien œcuméniques à la NCCK et aux Églises de Corée du Sud au cours de ces mois tumultueux, qui ont malheureusement accentué la polarisation du pays.
126. Les tensions et les risques de conflit – notamment de conflit nucléaire – restent aigus. Dans ce contexte, le COE continue d’offrir son soutien à ses Églises membres et à ses partenaires œcuméniques dans la péninsule coréenne, dans l’espoir persistant et déterminé d’un régime de paix permanent pour les habitant-e-s de la péninsule, au Sud comme au Nord.
127. L’élection ultérieure d’un nouveau président en Corée du Sud donne l’espoir et l’assurance de relancer la recherche de la paix et de la réconciliation dans la péninsule coréenne. Le COE continuera à travailler et à accompagner la NCCK et le peuple coréen dans leur quête de paix et de réconciliation.
128. République démocratique du Congo. Bien que les ressources et les effectifs actuel-le-s du COE ne permettent pas un engagement programmatique continu en République démocratique du Congo, nous avons suivi avec une grande inquiétude la récente résurgence du conflit et de la crise, en particulier dans les régions orientales du pays. L’escalade du conflit armé a provoqué des déplacements massifs et exacerbé les besoins humanitaires. Le groupe armé M23 contrôle désormais Goma à la suite d’affrontements intenses avec l’armée congolaise, qui ont forcé des centaines de milliers de civil-e-s à fuir. Selon le Bureau pour la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), plus de 21 millions de personnes avaient déjà besoin d’une aide humanitaire avant la dernière escalade de la crise, soit l’un des chiffres les plus élevés au monde. Environ un million de personnes ont cherché refuge dans les pays voisins, tandis que l’escalade de la violence dans l’est du pays menace d’aggraver la crise. Depuis le début du mois de janvier, l’escalade du conflit et l’intensification des attaques du M23 dans le Nord et le Sud-Kivu ont déplacé des centaines de milliers de personnes, aggravant la crise humanitaire et mettant à rude épreuve des ressources déjà limitées. Parmi les autres conséquences de la crise actuelle, des exécutions sommaires et des cas de violence sexuelle et sexiste sont signalés.
129. Le COE a entamé des discussions avec Interpeace, une organisation de construction de la paix au niveau communautaire basée en Suisse, en vue d’une éventuelle collaboration avec des responsables d’Églises locales pour la promotion de la paix dans la région. Le COE prévoit une visite de solidarité en RDC dans un proche avenir.
130. La consultation de la CEAI à Athènes du 18 au 22 mai (généreusement accueillie par l’Église de Grèce) a marqué le centenaire de la Conférence du christianisme pratique de 1925. La CEAI a reconnu que le contexte de la Conférence de Stockholm, il y a 100 ans, ressemble remarquablement au nôtre. Les tensions croissantes entre les États, l’escalade de la course aux armements, la montée du nationalisme populiste, la spirale de l’inégalité économique, et les bouleversements technologiques... La CEAI a affirmé que par le simple fait de se réunir, ainsi que par leurs discussions, les participant-e-s à la Conférence de Stockholm ont fourni un exemple et un message de rencontre, de dialogue, et de coopération comme voie vers la paix, la justice, et la réconciliation. Mais elle a également rappelé que c’est aussi en 1925 qu’Adolf Hitler a publié «Mein Kampf», qui a tracé une trajectoire très différente pour le monde, menant à un conflit encore plus grand et plus catastrophique, à l’Holocauste, et au développement et à la première utilisation d’armes nucléaires. Comme l’indique le message de la CEAI, «dans la situation mondiale actuelle, nous percevons que les peuples du monde sont une fois de plus confrontés au même choix de voies radicalement divergentes».
131. Face à cette division et à cette fragmentation, la CEAI a souligné la reconnaissance par la Conférence de Stockholm du christianisme «en tant que communauté mondiale, transcendant les frontières confessionnelles, nationales, et autres», et a insisté sur l’importance, à notre époque, du mouvement œcuménique en tant que voix et exemple d’unité dans la diversité et de coopération face aux défis, y compris celui, sans précédent, de la crise climatique. Tout en reconnaissant les menaces qui pèsent sur les Nations Unies et l’ordre international de l’après-Seconde Guerre mondiale, la CEAI a également souligné l’importance des principes et des mécanismes du droit international qui ont été établis au cours des années écoulées pour protéger les personnes contre les abus des puissant-e-s, et pour imposer des contraintes à la violence d’État. Je suis tout à fait d’accord avec la CEAI pour dire que ces principes et mécanismes doivent être préservés, défendus, et affirmés. Avec ce message, la CEAI a apporté une contribution importante à notre réflexion et à notre action au cours de cette année œcuménique spéciale.
132. Artsakh/Nagorno-Karabakh. En réponse à un appel urgent de Sa Sainteté Karékine II, patriarche suprême et catholicos de tous les Arméniens, et en collaboration stratégique avec l’Église évangélique réformée de Suisse, le COE a convoqué à Berne, en mai 2025, une conférence internationale historique sur la préservation du patrimoine religieux, culturel, et historique arménien dans l’Artsakh/Nagorno Karabakh. Cette réunion de haut niveau a rassemblé de hauts responsables d’Églises, des personnalités publiques de premier plan, des représentant-e-s des Nations Unies, des expert-e-s juridiques du monde entier, et des responsables interconfessionnel-le-s issu-e-s des traditions chrétienne, musulmane, juive, et yézidie, ainsi que des universitaires et des acteurs-trices de la société civile. Elle a servi de réponse morale collective au déplacement forcé de plus de 120 000 Arménien-ne-s et à la destruction alarmante de sites sacrés, d’églises, de cimetières, et d’institutions culturelles. Enracinée dans les principes de la dignité humaine, de la liberté religieuse, et des droits culturels, la conférence a réaffirmé le rôle des Églises non seulement en tant que témoins, mais aussi en tant que mobilisatrices de la conscience, de la politique, et de l’action. Le COE s’est engagé à assurer un suivi concret par le biais d’un plaidoyer soutenu, d’un engagement juridique international, et d’initiatives de solidarité coordonnées – en travaillant avec ses Églises membres et ses partenaires mondiaux pour faire respecter le droit international humanitaire et le droit du patrimoine culturel, soutenir le droit au retour, et assurer la responsabilité internationale. La Conférence de Berne a également servi de modèle pour montrer comment le COE peut travailler de manière efficace et efficiente avec ses Églises membres, en combinant l’autorité morale, l’expertise, et les ressources collectives, pour répondre rapidement et de manière significative aux besoins émergents et aux priorités urgentes exprimé-e-s par sa communauté fraternelle. Je suis très heureux que les Églises membres demandent au COE de les accompagner dans leurs luttes, et c’est pour nous une grande joie de pouvoir le faire, en rassemblant une plate-forme mondiale pour sensibiliser l’opinion et avoir un impact dans des lieux dont on ne parle souvent pas. C’est quelque chose que le COE fait bien et nous continuerons à renforcer cette cause.
133. Le Conseil des Églises de Papouasie occidentale, relayé par le COE dans des forums mondiaux tels que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, continue de plaider pour la justice dans le contexte de la violence exercée par le gouvernement indonésien. En octobre 2024, le COE a soutenu cinq femmes de Papouasie occidentale lors de la formation annuelle sur les droits des femmes à Genève, leur donnant les moyens de lutter contre la violence de genre et l’oppression systémique – un témoignage du leadership de Débora dans Juges 4, 5.
134. Au Nigéria, où la violence interreligieuse a fait d’innombrables victimes, le COE a réuni des responsables chrétiens et musulmans pour élaborer un plan d’action commun contre les discours de haine et les attaques contre les lieux de culte. Leur collaboration, enracinée dans le commandement commun d’«aimer son prochain» (Marc 12,31; sourate An-Nisa 4,36), a débouché sur des systèmes d’alerte précoce qui permettent d’éviter les effusions de sang. Un responsable communautaire a fait remarquer que «ces dialogues ont transformé la suspicion en solidarité». Le Comité exécutif du COE s’est réuni à Abuja, en novembre 2024 et, depuis lors, nous sommes resté-e-s très actifs-ives dans le pays, en y établissant un bureau et en nous lançant dans le travail de paix du COE à partir de ce contexte.
135. Le COE reconnaît que la paix véritable ne s’épanouit que lorsque les blessures sont guéries et la dignité restaurée. Guidé par le Psaume 147,3 – «C’est lui qui guérit les cœurs brisés et panse leurs blessures» – le COE a développé un cadre de guérison des traumatismes basé sur la foi et déployé dans des zones de conflit comme le Sud-Soudan et le Myanmar. Grâce aux récits, à l’art, et au soutien psychosocial, les survivant-e-s de la violence commencent à faire leur deuil, transformant la douleur en résilience. Au Myanmar, par exemple, des cercles de femmes utilisent le tissage traditionnel pour raconter des histoires de perte et d’espoir, recousant ainsi des communautés fragmentées.
136. Nous nous rencontrons dans le contexte de l’Afrique du Sud, un pays où nous avons assisté à de nombreuses tentatives de paix et de réconciliation, pour la plupart couronnées de succès. C’est un témoignage d’espoir que, lorsque les gens travaillent ensemble et par la grâce de Dieu, ils peuvent trouver la guérison, la restauration, et la réconciliation, même si c’est, il est vrai, extrêmement difficile. La Commission vérité et réconciliation a œuvré dans ce sens, même si elle n’a pas réussi à aller jusqu’au bout de la réconciliation en corrigeant les torts, en accordant des réparations, et en modifiant les politiques, mais elle a unifié la nation. Les croyant-e-s ont un rôle important à jouer dans la recherche de la vérité, de la réconciliation, de l’unité, et de l’espoir dans le monde. C’est l’appel de Dieu à transformer les disciples pour qu’ils et elles fassent la différence, en créant l’harmonie et la paix dans le monde.
Pèlerinage d’unité
137. L’unité de l’Église. Le contexte sud-africain se distingue par le fait que les chrétien-ne-s ont travaillé ensemble pour résister à l’apartheid. Non seulement les chrétien-ne-s, mais aussi les autres religions et la société civile ont uni leurs efforts pour maintenir l’espoir. La plupart des Églises chrétiennes ont mis de côté leurs différences pour lutter contre un ennemi commun: l’apartheid. C’est dans l’unité qu’elles ont trouvé leur force et leur mouvement. Bien que nous reconnaissions d’autres mouvements et facteurs qui ont contribué à démanteler l’apartheid, il est communément admis que les responsables religieux-euses ont joué un rôle essentiel; ils et elles ont été contraint-e-s d’intervenir et de combler le vide en l’absence des dirigeant-e-s politiques qui étaient en prison ou en exil. Le pouvoir de l’espoir est alimenté par l’unité et le témoignage de la solidarité. Lorsque les croyant-e-s se rassemblent dans la force et l’espoir, ils peuvent être la présence et la puissance de Dieu dans le monde. Nous comptons sur la puissance de l’Esprit Saint pour nous maintenir dans l’unité et l’espoir.
138. Il est merveilleux que 352 Églises membres du COE puissent travailler et témoigner ensemble dans le monde, dans les différents contextes et communautés où nous nous trouvons. Nous rendons grâce à Dieu et à nos Églises membres pour les efforts qu’elles déploient en vue d’affirmer l’unité et de réaliser la prière de Jésus en Jean 17,21, afin que nous soyons un-e. C’est dans l’unité que réside notre force et notre témoignage d’espérance au monde dans le Christ ressuscité.
139. Je reconnais qu’il n’est pas toujours facile de maintenir et de renforcer l’unité des chrétien-ne-s. Nous sommes souvent influencé-e-s par la politique, la géopolitique, le nationalisme chrétien, les guerres, et les conflits, qui peuvent remettre en cause l’unité des chrétien-ne-s, et nous voyons déjà comment cela fonctionne. L’unité chrétienne est également menacée par des facteurs théologiques, doctrinaux, et socio-éthiques, qui sont bien réels. Cependant, ce qui me réjouit, c’est qu’en dépit de toutes ces préoccupations, il existe parmi nous une bonne volonté de soutenir et d’affirmer l’unité au sein de la communauté. Bien que nous puissions avoir les yeux fixés sur le contexte dans lequel nous vivons, nous devons, en tant que personnes de foi, toujours garder les yeux fixés sur le Christ, qui est notre espérance rédemptrice et réconciliatrice. L’unité des chrétien-ne-s nous permet de susciter, de soutenir, et de vivre l’espérance dans un monde qui lutte et qui souffre. La 11e Assemblée du COE a été très claire sur ce point:
140. Nous affirmons la vision du COE qui tend à l’unité visible de toutes les personnes de confession chrétienne, et nous invitons tous les milieux chrétiens à partager cette vision avec nous. Nous invitons également toutes les personnes de foi et de bonne volonté à croire, avec nous, qu’un autre monde est possible, un monde respectueux de la terre vivante, un monde dans lequel chaque être humain dispose du pain quotidien et de la vie en abondance, un monde décolonisé, plus aimant, plus harmonieux, plus juste et pacifique. Dans un monde accablé par tant de douleur, d’angoisse et de peur, nous croyons que l’amour que nous avons observé en Christ apporte les possibilités libératrices de la joie, de la justice universelle et de la paix avec la terre. Sous l’impulsion de l’Esprit saint, avec un idéal d’unité pour moteur, nous poursuivons ensemble notre route, nous engageant à pratiquer l’amour du Christ en marchant en disciples sur ses pas et en portant le flambeau de l’amour dans le monde, ayant foi dans la promesse que l’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité.
141. Les programmes et activités du COE continuent à construire l’unité de la communauté, et à renforcer le pèlerinage. Examinons-en quelques-un-e-s:
142. Unité théologique. La Commission de Foi et constitution joue un rôle central dans la promotion de la réflexion théologique et de la convergence ecclésiale, en faisant progresser le pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité. Dans le cadre de la préparation de la sixième Conférence mondiale de Foi et constitution, la Commission a organisé des consultations thématiques et des webinaires sur l’ecclésiologie, l’unité visible, et le témoignage commun. La question «Quels horizons pour l’unité visible?» est au centre de ses efforts. Cette question a guidé les engagements avec les Églises, les universitaires, et les partenaires œcuméniques. Par le biais de séminaires, de projets de rédaction en collaboration, et de réflexions spirituelles, la Commission permet aux Églises d’approfondir la compréhension théologique et de favoriser les expressions visibles de l’unité. La Conférence mondiale de Foi et constitution, qui doit se réunir en même temps que le GETI 2025, met l’accent sur une participation multigénérationnelle et multiculturelle, ainsi que sur un discours théologique enraciné dans des affirmations historiques telles que le Credo de Nicée. Des ressources telles que la brochure sur la date commune de Pâques et la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens sont les fruits de ce voyage en cours. Foi et constitution contribue ainsi au pèlerinage en favorisant le dialogue, en ancrant l’unité dans la recherche théologique, et en encourageant les Églises à vivre le don et l’appel de l’unité en Christ.
143. J’ai le plaisir d’annoncer que le COE continue d’approfondir ses relations et ses partenariats avec des Églises qui ne sont pas membres de la communauté fraternelle. Le président du COE a eu le plaisir d’assister au service funèbre de feu pape François, puis à l’investiture du pape Léon XIV. C’est avec joie et reconnaissance que l’on constate que le pape Léon a continué à s’appuyer sur les fondements de François. L’accent qu’il met sur la mission de l’Église, la construction de la paix, et l’engagement en faveur de la pleine communion et de l’unité visible des chrétien-ne-s résonne très bien avec ce que le COE croit et fait.
144. Récemment, j’ai pris la parole lors de la Conférence mondiale pentecôtiste à Helsinki. Quelle joie de voir des milliers de chrétien-ne-s se rassembler pour louer Dieu et exprimer leur zèle à servir Jésus dans le monde. Je suis profondément inspiré par leur passion pour la Grande Commission et leurs plans stratégiques visant à conduire les gens au Christ, à implanter des Églises, et à répandre la bonne nouvelle de l’Évangile de Jésus-Christ dans le monde. Je suis reconnaissant à leurs dirigeant-e-s d’avoir invité la présence du COE dans leurs espaces et d’avoir pris conscience que les chrétien-ne-s doivent travailler ensemble, même si nous mettons l’accent sur des aspects différents de la foi chrétienne. Nous nous réjouissons de poursuivre notre engagement et notre collaboration à l’approche de la célébration de JC 2033, année au cours de laquelle nous fêterons les deux mille ans de la résurrection de Jésus. Nous sommes également reconnaissant-e-s que de nombreuses Églises pentecôtistes demandent à devenir membres du COE ou se renseignent à ce sujet. L’espoir naît de ces merveilleux développements de l’unité et de la coopération chrétiennes, alors que nous servons Dieu ensemble dans le monde.
145. La Commission de l’éducation et de la formation œcuménique continue de façonner l’avenir de l’engagement théologique œcuménique. Sa première réunion en personne à l’Université Yonsei (2024) a axé chaque journée d’étude sur un pilier du Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité. Cette approche pédagogique met l’accent sur l’intégration de la formation et de la vision stratégique du COE. Les travaux en cours de la Commission comprennent une courte série de vidéos, des modules d’apprentissage œcuménique en ligne, et des travaux préparatoires pour le GETI 2025. La formation théologique œcuménique reste centrale, avec trois instituts théologiques œcuméniques régionaux organisés en Amérique latine, en Afrique, et au Moyen-Orient, en 2023-2024. Ces rencontres contextualisent la réflexion théologique et favorisent le dialogue intergénérationnel sur la justice, la réconciliation, et l’unité. L’engagement de la Commission de l’éducation et de la formation œcuménique fait le lien entre la formation académique et les expériences de terrain, permettant une éducation théologique critique, inclusive, et transformatrice. La synergie entre la réflexion théologique et le contexte social continue d’être une caractéristique du travail de la Commission et une contribution vitale à la formation de leaders œcuméniques préparé-e-s à relever les défis d’aujourd’hui dans la foi, l’espérance, et l’amour.
146. Unité de la mission. La Commission de mission et d’évangélisation (CME) continue à soutenir la formation de disciples transformateurs-trices, la mission décoloniale, et le témoignage public. Par le biais de «Mission Matters», la CME encourage les conversations sur les pratiques missionnaires contextuelles et les fondements théologiques de la justice et de la réconciliation. Le Réseau œcuménique de solidarité avec les peuples autochtones et le Réseau œcuménique de défense des personnes handicapées font entendre des voix historiquement marginalisées dans la mission de Dieu, contribuant ainsi à la réconciliation et à l’inclusion au sein de la communauté œcuménique élargie. Au cours de la période examinée, des consultations régionales et mondiales ont permis d’amplifier les voix des personnes marginalisées, et de faire progresser l’enseignement théologique sur la mission enracinée dans la communauté, l’attention, et la dignité. Le travail de la CME met l’accent sur le rôle des disciples dans la résistance à l’oppression et la promotion de l’espoir. Son engagement œcuménique est évident dans le travail de collaboration entre les dénominations et les régions, reflétant l’unité dans la mission. Le cadre théologique de la mission à partir des marges est de plus en plus incarné par les réseaux missionnaires régionaux et la défense de la justice au niveau local. La CME veille ainsi à ce que la mission reste partie intégrante du pèlerinage, renforçant le témoignage prophétique et réconciliateur de l’Église dans divers contextes mondiaux.
147. L’Institut mondial de théologie œcuménique (GETI2025) est l’événement phare du programme de formation théologique œcuménique du COE, et une contribution majeure au pèlerinage. Accueilli par l’Église copte orthodoxe d’Égypte, il réunira 97 jeunes théologien-ne-s du monde entier pour un programme d’immersion de trois semaines, en lien avec la Sixième Conférence mondiale de Foi et constitution. Le programme favorise un engagement théologique profond sur les questions de justice, de réconciliation, et d’unité, par le biais de conférences, de cultes œcuméniques, d’échanges interculturels, et de vie en communauté. Le programme équilibre la représentation des sexes et des régions, garantissant un environnement d’apprentissage diversifié et participatif. Enraciné dans l’héritage historique du christianisme primitif et de la spiritualité copte, le GETI 2025 cultivera une réflexion théologique qui jette un pont entre les contextes locaux et mondiaux. En dotant les dirigeant-e-s œcuméniques émergent-e-s d’outils pour un ministère contextuel, une profondeur théologique, et une ouverture œcuménique, le programme affirme le rôle des jeunes dans la construction de l’avenir du mouvement œcuménique. Le GETI 2025 incarne l’esprit du pèlerinage – cheminer ensemble dans la foi et l’apprentissage vers l’unité visible et une vie de disciples collective.
148. L’Institut œcuménique de Bossey reste une pierre angulaire de la formation œcuménique et une communauté d’apprentissage mondiale. Chaque année, en septembre, il accueille une cohorte diversifiée d’environ 35 étudiant-e-s issu-e-s d’Églises membres et non membres. Le programme, articulé autour des thèmes du pèlerinage, invite les étudiant-e-s à une étude théologique approfondie, au dialogue interconfessionnel, et à la vie en communauté. Les cours et les séminaires explorent la justice, la réconciliation, et l’unité à travers des perspectives bibliques, historiques, et contextuelles. Le cours principal de Bossey est le point d’ancrage du programme, offrant une base théologique et une éthique œcuménique communes. Le cours d’été interconfessionnel, qui se tient chaque année en juillet ou en août, renforce la contribution de Bossey au pèlerinage en encourageant la compréhension et la coopération interreligieuses. Les ancien-ne-s élèves de Bossey continuent d’être des leaders œcuméniques dans les Églises, les institutions, et les mouvements locaux à travers le monde. C’est un espace où les identités sont approfondies et transformées par la rencontre, le dialogue, et la réflexion théologique critique. L’engagement de Bossey à cultiver l’unité dans la diversité en fait un nœud vital sur le chemin de pèlerinage du COE.
149. Unité spirituelle. Le Bureau de la vie spirituelle du COE ancre le mouvement dans la prière, le culte, et la réflexion théologique. Il soutient le rythme du pèlerinage en proposant des ressources liturgiques et spirituelles qui animent la vie œcuménique. La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui se tient du 18 au 25 janvier dans l’hémisphère nord et autour de la Pentecôte dans l’hémisphère sud, constitue un moment fort de l’année. Le thème de 2025 est centré sur le 1700e anniversaire du Concile de Nicée et son affirmation du Credo de Nicée. Préparées par la communauté œcuménique de Bose, en Italie, les ressources de cette année comprennent, pour la première fois, des supports destinés aux enfants et aux jeunes. À Genève, le personnel œcuménique s’est réuni pour le culte au Temple du Grand Saconnex, où le pasteur Andreas Fourge a présenté la réflexion. Dans le monde entier, les Églises ont utilisé les ressources pour renouveler leur engagement en faveur de l’unité et approfondir leur confession de foi commune. Le programme Vie spirituelle contribue ainsi au pèlerinage en ancrant le travail œcuménique dans la communion de prière et l’expression liturgique, en veillant à ce que l’engagement théologique soit enraciné dans le culte et la pratique spirituelle.
150. Coopération et dialogue interreligieux. Le bureau Coopération et dialogue interreligieux (CDIR) favorise la compréhension mutuelle, le respect, et la collaboration entre les traditions religieuses, contribuant ainsi de manière significative au pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité. Le groupe de référence CDIR guide ce travail, qui comprend des consultations interconfessionnelles, des ateliers de renforcement des capacités, et des initiatives de plaidoyer conjointes. L’université d’été interconfessionnelle de Bossey est un événement récurrent qui permet aux participant-e-s d’explorer des engagements éthiques communs et d’approfondir leurs connaissances théologiques au-delà des frontières religieuses. Au cours de la période examinée, le bureau de la CDIR a organisé des consultations régionales et s’est associé à des responsables religieux-euses pour aborder des questions telles que la consolidation de la paix, la justice environnementale, et la dignité humaine. Il a également contribué à faire entendre la voix du COE dans les plates-formes interreligieuses mondiales, en veillant à ce que le témoignage chrétien reste dialogique et inclusif. L’accent mis sur les jeunes et les femmes dans l’engagement interreligieux a permis d’élargir la participation et de diversifier les perspectives. Par le dialogue, le bureau de la CDIR aide à construire des relations solides, à prévenir la violence motivée par la religion, et à promouvoir une vision commune de la justice et de la paix. Il renforce la conviction que l’unité au sein de l’Église est enrichie par l’engagement avec les autres religions. Ainsi, le dialogue interreligieux au sein de l’UMEF est à la fois un impératif théologique et une expression pratique du pèlerinage.
151. Les jeunes dans le mouvement œcuménique. Les jeunes restent au cœur de la vitalité et de l’avenir du mouvement œcuménique. Le bureau de l’engagement des jeunes au sein de l’UMEF coordonne des espaces intentionnels de rencontre œcuménique, de développement du leadership, et d’échange intergénérationnel. Par le biais de consultations régionales de jeunes, de stages, et d’une collaboration avec des réseaux tels que l’Ecumenical Youth Council in Europe («Conseil œcuménique de la jeunesse en Europe», EYCE) et l’Institut mondial de théologie œcuménique (GETI), le programme forme les leaders émergent-e-s. Au cours de la période examinée, la participation des jeunes a été intégrée dans toutes les commissions et tous les événements, y compris Bossey, RETI, et la planification de GETI 2025. L’accent a été mis sur l’autonomisation des jeunes issu-e-s de communautés historiquement marginalisées, en veillant à l’inclusion et à la pertinence contextuelle. Des initiatives sur le thème du pèlerinage ont permis aux jeunes d’explorer leur propre identité religieuse tout en s’engageant dans des actions en faveur de la justice, de la paix, et de la réconciliation au niveau mondial. Les jeunes œcuménistes ont contribué aux forums de théologie publique, aux initiatives interconfessionnelles, et à la vie cultuelle, réaffirmant leur rôle non seulement en tant que participant-e-s mais aussi en tant que co-créateurs-trices du voyage œcuménique. Le bureau de l’engagement des jeunes plaide pour une représentation des jeunes dans les structures de gouvernance et pour des parcours de mentorat qui préparent les jeunes à un leadership durable. Ainsi, la dimension jeunesse de l’UMEF incarne l’esprit pèlerin – plein d’espoir, prophétique, et engagé à marcher ensemble vers l’unité dans un monde fragmenté.
Communication
152. La communication est un outil essentiel pour encourager et susciter l’espoir. Le COE gagne en impact et en mouvement grâce à une communication innovante et inspirante. Le COE est un acteur efficace de la communication et une plate-forme de partage de récits et de voix des Églises membres et des partenaires œcuméniques à l’œuvre ensemble dans le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité, contribuant ainsi à développer la visibilité de la communauté fraternelle et son rôle public.
153. Le COE doit catalyser le changement – pour un monde portant l’unité, la justice et la paix en son cœur. Sa communication doit donc être le reflet de cette mission et continuer à jouer un rôle clé, moteur puissant du changement. L’objectif du COE est d’inspirer ses Églises membres et de les inviter à travailler ensemble, en veillant activement à donner plus de poids à la voix commune des Églises. Les Églises membres sont au cœur du COE. Ainsi, les communications du COE doivent se montrer inclusives, et porter la participation et l’espérance en leur cœur, tant par le contenu que par la méthodologie. Notre mission est de susciter et d’entretenir l’espoir d’un monde meilleur où la dignité humaine prime. La dignité humaine et l’égalité doivent transparaître dans toutes les communications.
154. Au début de l’année, Geneva Engage a récompensé le COE pour ses dix années passées à façonner, engager, et relier les gens entre eux. Le COE est un «pilier des Geneva Engage Awards, se distinguant constamment comme l’un des meilleurs contributeurs à la diplomatie numérique et à la collaboration mondiale», a écrit Geneva Engage. Le COE rejoint des groupes importants tels que le Comité international de la Croix-Rouge et l’Organisation mondiale de la santé dans cette catégorie supérieure de groupes qui ont passé une décennie ou plus à s’engager et à connecter les gens. Le COE a été spécifiquement reconnu par Geneva Engage pour «avoir favorisé l’unité mondiale et le dialogue interreligieux grâce à une forte présence numérique».
155. Le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité est une invitation adressée à la communauté mondiale du COE et à toutes les personnes de bonne volonté à se pencher sur les préoccupations les plus urgentes et les aspirations les plus profondes de notre unique famille humaine. L’objectif principal de la communication relative aux pèlerins sera toujours d’inviter, d’inspirer, et d’être un catalyseur de changement – en favorisant un monde où la justice, la réconciliation, et l’unité occupent une place centrale. La couverture basée sur la narration reflète les préoccupations les plus pressantes et les aspirations les plus profondes des personnes dans les Églises et au-delà. La justice, la réconciliation, et l’unité commencent au sein des Églises et des communautés elles-mêmes; si les Églises évoluent ensemble vers la justice, la réconciliation, et l’unité et partagent leurs histoires, elles deviennent un catalyseur pour inviter – et guider – le reste du monde.
156. Nous considérons les besoins en communication pour le pèlerinage d’un point de vue différent – le point de vue du destinataire – où les objectifs, la substance, la pertinence, et la qualité sont des éléments clés. Notre principal outil doit continuer à être la narration, à donner de l’espace aux voix locales, et à placer les plus vulnérables au cœur de la communication.
157. La communication du Conseil œcuménique des Églises en 2024 et au début de 2025, par le biais de récits diffusés sur de nombreux canaux, a favorisé l’unité d’une manière sans précédent dans le monde entier. Qu’il s’agisse du plus grand rassemblement mondial de prière, des 2,3 millions d’engagements sur les médias sociaux ou du grand nombre de jeunes visiteurs en personne et en ligne, les communications du COE ont permis d’entrer en contact avec plus de personnes, de plus de manières que jamais. En 2024, le site Internet du COE a suscité l’intérêt de 1,6 million de visiteurs dans le monde entier, soit une augmentation de 8% par rapport à 2023. La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, en janvier, a été la semaine où le nombre de visites a été le plus élevé (plus de 50 000) au cours de l’année.
158. Le COE a maintenu une forte présence dans les médias mondiaux tout au long de l’année, avec plus de 5 000 mentions. La couverture médiatique s’est principalement concentrée sur la défense de la paix au Moyen-Orient et en Ukraine, ainsi que sur le travail de Foi et constitution. Cette large couverture médiatique souligne l’engagement permanent du COE en faveur de la justice, de la réconciliation, et de l’unité au sein de la communauté œcuménique mondiale.
159. Un programme complet de renforcement des capacités, couvrant la plupart des aspects de la communication, est proposé pour soutenir les responsables d’Église, les directeurs de programme, et les communicants dans le monde entier. Des ateliers de communication et des formations en ligne, à Genève et ailleurs, ont souvent été organisé-e-s sur des sujets tels que la communication stratégique, les relations avec les médias, la communication de crise, la narration, les réseaux sociaux, et d’autres canaux. La communication gagne du terrain en tant que puissant catalyseur de changement. Le service de la communication du COE fournit aussi régulièrement des conseils à de nombreuses autres organisations œcuméniques et régionales, à des ministères spécialisés, à des organisations non gouvernementales, et à des Églises membres.
160. L’objectif de la communication du COE est de mieux faire connaître les activités de l’organisation et d’augmenter leur impact. Pour cela, différents moyens reflétant les valeurs chrétiennes et œcuméniques fondamentales du COE sont utilisés. La communication constitue un outil stratégique important pour le COE, ses Églises membres et ses partenaires œcuméniques, outil qui leur permet de continuer à exercer son influence, de gagner en visibilité et de promouvoir des causes nobles. Pour l’équipe de communication du COE, il est essentiel de veiller à ce que la communication soit pertinente, crédible, transparente, bien coordonnée et mise en œuvre au bon moment. Le COE s’adresse à un public international composé notamment de ses membres, de ses comités, de ses commissions, ainsi que de l’ensemble des Églises et du grand public.
161. Résilient-e-s, plein-e-s d’espoir, engagé-e-s, et coopératifs-ives, nous poursuivons le Pèlerinage de justice, de réconciliation, et d’unité. Et nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous avons besoin que toutes les Églises membres du COE s’engagent fidèlement dans le pèlerinage. Nous avons besoin de vous, nous avons besoin des autres, de tous les partenaires, pour faire du monde un endroit meilleur pour toutes les personnes et la création.
162. Nous devons garder et répandre la foi, et nous y parvenons le mieux en la vivant lorsque nous servons Jésus dans le monde avec unité et justice. Osons espérer au milieu du désespoir. Gardons l’espoir vivant dans nos cœurs, nos actions, et nos modes de vie.
Situation financière et Green Village
163. Rapport financier. J’ai le plaisir d’annoncer qu’en dépit des difficultés, le COE a terminé l’exercice 2024 avec un léger excédent. Nous avons enregistré CHF 23,4 millions de recettes et CHF 22,8 millions de dépenses, terminant l’année avec un excédent de CHF 0,5 million. Cet excédent a été généré par notre projet de développement immobilier Green Village, en particulier grâce aux économies réalisées sur la construction des bâtiments qui ont été finalisées et comptabilisées par le COE. Cependant, les programmes ont diminué de CHF 0,3 million, mais, à la fin de l’année, les réserves générales sont restées solides, à CHF 7,6 millions. Le directeur financier donnera d’autres informations lors de la réunion du Comité central.
164. Les cotisations des membres et les contributions aux programmes se sont élevées à CHF 13,5 millions, soit une baisse de 4% (CHF 0,5 million) par rapport à l’année précédente. Cette baisse est due à la combinaison d’une diminution des cotisations et de pertes de change dues à la valorisation du franc suisse.
165. 2024 a été une bonne année pour les marchés financiers et pour nos gains d’investissement. Grâce à des conditions favorables – telles que des dépenses de consommation élevées et des taux d’intérêt en baisse – nos investissements, nos gains de change, et nos réévaluations d’actifs, se sont élevé-e-s à CHF 1,5 million. Ces gains ont contribué à soutenir nos programmes et autres activités.
166. Les fonds affectés ont ajouté CHF 0,5 million à notre excédent global. La majeure partie de cette somme provient de CHF 0,8 million de revenus d’investissement de nos fonds de dotation. Cependant, comme nous l’avons déjà indiqué, les activités de programme ont affiché un déficit de CHF 0,3 million, ce qui a partiellement compensé ces gains.
167. Si nous avons réussi à maintenir une situation financière stable en 2024, cela sera plus difficile en 2025, car nous poursuivrons les événements spéciaux de l’année œcuménique. La réunion du Comité central devrait coûter environ CHF 600 000 et la Conférence de Foi et constitution environ CHF 800 000. Il s’agit bien sûr de coûts énormes, sans compter les autres activités qui, heureusement, sont en grande partie financées.
168. Compte tenu des contraintes financières, et à la demande de la réunion du Comité exécutif de novembre 2024, j’ai dû prendre des mesures strictes pour encourager les membres du Comité central à participer financièrement à leurs frais de voyage et d’hébergement. Je suis très heureux d’annoncer que certains participant-e-s ont répondu positivement à cette demande. Il devient de plus en plus évident que le COE ne sera pas en mesure de subventionner intégralement les délégué-e-s. Je lance un appel aux Églises membres pour qu’elles prévoient un budget destiné à couvrir les frais de participation de leurs membres siégeant dans les organes directeurs du COE. Ces contributions financières sont aussi des signes d’engagement dans les travaux en cours du COE.
169. Projet Green Village. Au cours des derniers mois, nous avons connu des développements majeurs dans ce projet complexe – à la fois dans nos négociations en cours avec Implenia, mais aussi en raison des conditions changeantes du marché immobilier à Genève, y compris les coupes budgétaires qui affectent presque toutes les organisations internationales.
170. Le Comité de pilotage a rencontré Implenia pour discuter de nos préoccupations concernant le projet et a présenté des exigences spécifiques, notamment une réduction du pourcentage de participation aux bénéfices, des options de location de terrain plutôt que la vente du terrain, une augmentation du prix de vente du terrain, la priorité dans la construction du centre œcuménique, et un nouvel accord.
171. Implenia a répondu à nos préoccupations et a présenté un addendum qui incluait certains des éléments que nous avions négociés: une augmentation de la valeur du terrain de CHF 1 000 à CHF 1 700 par m² et une augmentation de la part des bénéfices du COE – de 78% à 80%; ces changements devant se traduire par un montant supplémentaire de CHF 3,4 millions pour le COE. Cependant, l’addendum a soulevé de sérieuses inquiétudes car il n’y avait aucune référence aux options de location de terrain que nous avions demandées, il ajoutait plusieurs nouveaux frais payables à Implenia, demandait de nouveaux processus de prise de décision (plus rapides) qui vont à l’encontre de la gouvernance du COE (non alignés sur les processus du COE), et enfin, à notre grande surprise, incluait une clause interdisant au COE de renégocier à l’avenir certaines conditions clés.
172. Le Comité de pilotage a rejeté l’addendum d’Implenia. Compte tenu des restrictions budgétaires qui touchent le secteur international de Genève et de l’incertitude des dons, le Comité de pilotage a décidé que le COE devait interrompre le projet et discuter d’une solution commune, et s’est déclaré prêt à envisager un nouveau contrat si Implenia y était ouverte. Cette décision a été communiquée à Implenia le 8 avril 2025.
173. Nous sommes actuellement en discussion avec Implenia sur la marche à suivre. Lors d’une réunion qui s’est tenue le 6 juin, Implenia a accepté d’examiner les propositions faites par le COE. Nous espérons conclure un nouvel accord avec Implenia qui garantirait la sécurité et la stabilité financières du COE. Dans le cas contraire, d’autres alternatives devraient être envisagées, mais nous sommes heureux-euses d’annoncer que le promoteur travaille avec le COE de manière très positive et dans un esprit très constructif. Nous vous tiendrons au courant de toute nouvelle avancée.
Gouvernance et autres questions
Groupe de travail sur la Palestine et Israël (GTPI)
174. Lors de la 11e Assemblée du COE qui s’est tenue à Karlsruhe (Allemagne) en 2022, le COE a adopté une déclaration intitulée «En quête de justice et de paix pour toutes et tous au Moyen-Orient». Cette déclaration stipule que
175. «Nous reconnaissons la menace qui pèse sur l’avenir des communautés chrétiennes autochtones et de tous les peuples du Moyen-Orient. Nous affirmons que l’égalité des droits, la citoyenneté inclusive, la justice et la dignité pour toutes et tous, sans discrimination religieuse ou raciale, constituent le meilleur moyen d’éviter cette menace. Nous défendons les principes directeurs suivants: «la justice et l’amour divin pour toute la création, les droits fondamentaux de toutes les personnes, le respect de la dignité humaine, la solidarité avec les personnes dans le besoin et le dialogue avec les croyant-e-s des autres communautés religieuses» (Comité central, Février 2011). Ces principes constituent la base de notre réponse œcuménique dans la région.
176. La déclaration attire l’attention sur les réalités qui remettent en cause cette vision: le fait que les Palestinien-ne-s soient continuellement chassé-e-s de leurs maisons, l’expansion des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, et l’escalade de la violence à Gaza. Elle qualifie d’illégale l’occupation israélienne des territoires palestiniens depuis 1967. Elle affirme que toute résolution ne peut se faire que par des moyens pacifiques, conformément au droit international. La déclaration affirme également la place de l’État d’Israël au sein de la communauté des nations et, dans le même temps, le droit des Palestinien-ne-s à l’autodétermination. Ces affirmations ont fait l’objet d’un consensus. Cependant, la déclaration dit aussi:
177. «Récemment, de nombreuses organisations de défense des droits humains internationales, israéliennes et palestiniennes et des organes judiciaires ont publié des études et des rapports décrivant les politiques et actions d’Israël comme s’apparentant à un «apartheid» au regard de la législation internationale. Au sein de cette Assemblée, certaines Églises et certain-e-s délégué-e-s soutiennent avec ferveur l’utilisation de ce terme comme décrivant précisément la réalité du peuple de Palestine et d’Israël et la situation au regard de la législation internationale, tandis que pour d’autres, ce terme est inapproprié, inutile et blessant. Nous ne sommes pas unanimes en la matière. Nous devons continuer à lutter sur cette question, tout en poursuivant notre collaboration sur ce cheminement de justice et de paix.»
178. Étant donné l’absence de consensus sur cette question, l’Assemblée a appelé le COE «à examiner, débattre et discerner les implications des rapports récents de B’Tselem, Human Rights Watch et Amnesty International, et ses organes directeurs à apporter une réponse adaptée». En outre, l’Assemblée a demandé à la communauté œcuménique mondiale des Églises de «s’interroger et réfléchir sur une autre politique, une solution en perspective et complète pour Israël et la Palestine, où toutes les populations disposent des mêmes droits devant la loi, à l’opposé des systèmes de contrôle, d’exclusion et de discrimination actuellement en place».
179. En réponse à ces appels de l’Assemblée, un groupe de travail sur la Palestine et Israël a été élu lors de la réunion du Comité exécutif de juin 2024. Le groupe de travail s’est réuni à Athènes du 16 au 18 septembre 2024. Il s’est réuni, deux ans après l’Assemblée, à la suite des attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023 et des représailles exercées par le gouvernement israélien à Gaza, qui ont entraîné la perte de dizaines de milliers de vies, dont celles de nombreux enfants. Le dernier jour de la réunion d’Athènes, des nouvelles ont fait état de l’explosion de pagers et de téléphones au Liban, alors qu’une nouvelle phase de violence commençait à se développer.
180. L’objectif du groupe de travail était défini comme suit: conseiller le secrétaire général sur la meilleure façon d’aborder les questions sur lesquelles l’Assemblée avait demandé une réflexion plus approfondie, à savoir la désignation d’Israël comme «pays d’apartheid» et ses implications pour la position globale du COE sur la question Palestine-Israël.
181. Le secrétaire général a présenté le rapport du GTPI au Comité exécutif lors de sa réunion de novembre 2024 pour discussion et orientation. Le rapport a été reçu et le secrétaire général a été prié de mettre le rapport complet à la disposition du Comité central pour discussion et décision.
182. Le rapport complet est joint en annexe, mais les recommandations sont présentées ci-dessous pour discussion et décision lors de cette réunion du Comité central. Je vous suggère de lire le rapport complet avant de prendre connaissance des recommandations. J’inclus les recommandations ici parce que nous devrons prendre une décision à leur sujet.
Recommandations du Groupe de travail sur la Palestine et Israël
Actions immédiates/à court terme
La question de l’apartheid
183. Ce groupe de travail estime que l’utilisation du terme «apartheid» par le COE est appropriée et prophétique pour la situation en Palestine et en Israël, à la lumière des conclusions des trois rapports mentionnés dans notre mandat, des dernières conclusions de la CIJ et surtout de l’expérience vécue par nos sœurs et frères palestiniens[1].
184. La publication, le 19 juillet 2024, de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) sur les «Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est» a apporté une nouvelle clarté à l’interprétation et à l’application des principes pertinents du droit international dans ce contexte.
185. Nous avons pris note en particulier de la conclusion de la CIJ selon laquelle «les lois et mesures d’Israël imposent et permettent de maintenir en Cisjordanie et à Jérusalem-Est une séparation quasi complète entre les communautés de colons et les communautés palestiniennes» et de sa conclusion selon laquelle cette législation et ces mesures constituent une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui condamne la ségrégation raciale et l’apartheid.
Changer le discours
186. Le COE doit contribuer à changer le discours international en faisant connaître la réalité des 76 années d’oppression du peuple palestinien et en promouvant activement le discours d’un impératif de liberté et d’autodétermination pour un peuple opprimé, impératif fondé sur le droit international et les obligations religieuses et morales.
187. Si l’on reconnaît et l’on confirme que la politique et les activités de plaidoyer du COE concernant la situation dans la région ont toujours été fondées sur les valeurs fondamentales de la justice, de la paix et de l’égalité des droits pour tous et toutes, le groupe estime que le langage actuel du COE n’est pas adéquat pour décrire ou encadrer la situation que l’on connaît aujourd’hui. À certains égards, des appels clairs ont été lancés en faveur d’un nouveau langage et d’une nouvelle formulation, tant pour la description que pour les interventions.
188. En particulier:
- L’utilisation des termes «conflit» et «règlement négocié» suppose une symétrie entre les parties et est naïve quant à la réalité d’un déséquilibre colonial des pouvoirs.
- L’accent mis sur une «solution à deux États» pour mettre fin à l’occupation a occulté et détourné l’attention du principe fondamental de l’autodétermination du peuple palestinien. Nous devons revenir à ce fondement dans notre politique et notre plaidoyer futurs.
- Le langage de la «paix juste» a perdu son pouvoir pour les Palestiniens, lorsque les expériences vécues – occupation, violence et harcèlement des colons, confiscation et démolition des biens, nettoyage ethnique, apartheid et génocide – ne sont pas remises en question et qu’il n’y a pas d’action pour la justice.
189. En termes simples, les actions éthiques spécifiques qui nous sont demandées sont les suivantes: mettre fin aux morts et à l’oppression, s’occuper des causes immédiates et directes de la souffrance et de l’injustice tout en travaillant au démantèlement des systèmes et des structures afin de créer les conditions nécessaires à la pleine autodétermination palestinienne et à la paix. Cette paix est fondée sur la justice telle qu’elle est comprise à la fois dans le cadre du droit international et des obligations morales de la théologie biblique.
190. Dans le contexte actuel, nous confirmons et réitérons les appels du COE:
- Satisfaction totale des exigences de la CIJ
- Accès humanitaire aux populations souffrantes
- Cessez-le-feu immédiat et complet
- Retrait complet des troupes israéliennes de Gaza
- Fin de l’occupation israélienne de la Palestine.
191. En outre, nous recommandons au COE de plaider pour:
- la reconstruction des infrastructures pour la santé, l’éducation et le bien-être social,
- le soutien à un plan de développement national dirigé par les Palestinien-ne-s.
192. Dans un contexte où les principes établis du droit international concernant la situation dans la région n’ont pas été respectés, le plaidoyer et l’action du COE doivent se concentrer sur la promotion de la responsabilité et la mise en œuvre de ces principes, en particulier en ce qui concerne l’égalité des droits de la personne/la non-discrimination, l’occupation, le nettoyage ethnique, l’apartheid, le droit au retour, la protection des civils, etc.
193. En ce qui concerne la question du génocide, nous prenons note de la décision provisoire de la CIJ confirmant un cas plausible de génocide, mais dont les mesures de protection provisoires n’ont pas été respectées ou mises en œuvre. Nous réaffirmons l’appel lancé par le secrétaire général à tous les membres de la communauté internationale pour qu’ils respectent et mettent en œuvre ces mesures en vertu du droit international. En outre, nous proposons de mettre l’accent sur l’éducide (destruction du savoir) et l’écocide (destruction de l’écosystème).
194. Nous soulignons les préoccupations concernant l’institutionnalisation de la discrimination à l’encontre des Palestinien-ne-s et de la suprématie juive, comme dans la loi sur l’État-nation.
195. Nous appelons à un changement immédiat de la stratégie de communication et des messages du COE sur la base de l’analyse ci-dessus.
196. Nous recommandons de remettre en question les interprétations théologiques qui cherchent à soutenir l’oppression et le colonialisme. Le COE devrait inviter les Églises à s’interpeller mutuellement pour rendre compte du mandat biblique. Nous encourageons les études et les documents théologiques qui promeuvent une théologie prophétique publique.
197. Nous encourageons également la solidarité avec les communautés palestiniennes, notamment:
- la défense et la préservation de la communauté et de la présence chrétiennes palestiniennes,
- la protection du patrimoine culturel et religieux palestinien,
- le soutien aux Églises locales et aux organisations chrétiennes palestiniennes.
198. Nous recommandons la mise en place d’un programme/forum mondial du COE pour la liberté et l’autodétermination des peuples opprimés, en mettant d’abord l’accent sur le peuple palestinien. Nous encourageons la collecte de fonds et/ou la recherche d’un personnel spécialisé coopté.
199. Nous plaidons pour la reconstitution par les organes directeurs du COE d’un Forum œcuménique Palestine-Israël, pleinement opérationnel et doté de ressources suffisantes.
200. Le COE pourrait envisager la création d’un petit groupe de conseillers et conseillères œcuméniques du secrétaire général, ne faisant pas partie du personnel, afin de permettre un discernement et une réaction rapides sur les questions émergentes.
201. Un nouveau colloque œcuménique et interreligieux mondial sur la situation dans la région serait également une initiative précieuse.
202. Nous soulignons et encourageons le recours à des mesures économiques ciblées, conformément à la politique actuelle du COE (sanctions contre les productions des colonies illégales).
203. Nous soutenons le secrétaire général dans sa demande que le COE participe aux campagnes internationales en faveur de l’embargo sur les armes.
204. Nous suggérons de s’engager dans des alliances interreligieuses pour la justice, en travaillant avec des personnes d’autres confessions autour du thème de la justice, dans le cadre ou en complément du travail interreligieux existant du COE.
Changement de politique
205. Nous recommandons au secrétaire général que le COE procède à des changements de politique par le biais des processus de l’organe directeur compétent afin de prendre en compte les développements du droit international (par exemple l’apartheid, le génocide, etc.), ainsi que les circonstances radicalement différentes dans la région, et surtout l’impératif biblique de la justice pour tous et toutes et de la libération des opprimés.
206. À la lumière des récentes conclusions de la CIJ, nous recommandons au secrétaire général et aux organes directeurs du COE de s’engager activement dans l’appel au désinvestissement, au boycott et aux sanctions, dans le cadre d’une résistance non violente. (non approuvé par consensus).
207. Le mouvement œcuménique doit s’opposer au sionisme chrétien et à d’autres théologies étatiques[2]» qui cherchent à justifier l’apartheid, le colonialisme, l’occupation et le génocide. Nous devrions revoir les théologies ecclésiales qui cherchent à mettre l’accent sur l’amour, la paix, la justice et la réconciliation, mais qui ne savent pas se tenir aux côtés des peuples opprimés pour démanteler les systèmes, les structures et les idéologies de l’oppression et de la mort. Le COE devrait permettre et encourager l’élaboration de conceptions théologiques qui soutiennent et émancipent les opprimé-e-s, en dénonçant et en critiquant les théologies et les interprétations bibliques qui justifient le colonialisme, l’oppression et le génocide.
Remarques du secrétaire général sur le rapport du Groupe de travail sur la Palestine et Israël
208. Que nous choisissions d’utiliser le mot «apartheid» ou non, le fait est que des milliers d’innocent-e-s et d’enfants ont perdu leur vie, leurs biens, leurs proches, et leurs moyens de subsistance. En fait, la situation déplorable et inacceptable à Gaza, avec plus de 55 000 personnes tuées, est indescriptible et dépasse de loin le niveau d’un débat sémantique. Elle appelle un message clair et fort de la part du COE, car nous apprécions et défendons le caractère sacré des vies données par Dieu. Alors que le COE réagit à la situation en Israël et en Palestine et à d’autres situations semblables, nous ne pouvons pas nous contenter de proclamer un «évangile sûr»; nous devons au contraire proclamer prophétiquement l’«évangile salvateur», c’est-à-dire l’évangile de Jésus Christ – l’évangile de la vérité, de la justice, de l’amour, de la miséricorde, de la justice, et de la paix.
209. Le COE ne peut rester silencieux ni neutre face aux massacres et à la destruction. Nous sommes appelé-e-s à être prophétiques et courageux-euses, tout en cherchant à embrasser tous les faits – mais nous ne devons pas choisir de rester neutres. Rester sur la touche n’est pas une option, surtout lorsque les autorités politiques sont impuissantes, complices et à court de solutions. Le COE a choisi la voie du dialogue et non de la violence pour résoudre les conflits. Plus encore, dans le contexte de la guerre, nous devons nous lever et nous faire entendre. Tout en cherchant à préserver l’unité de la communauté, le COE doit se rendre compte qu’il ne peut le faire au détriment de la justice et du témoignage prophétique. Pour reprendre les termes de l’apôtre Paul, nous devons apprendre à dire la vérité dans l’amour: «En confessant la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête, Christ. Et c’est de lui que le corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent, selon une activité répartie à la mesure de chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour». Éphésiens 4,15-16.
210. Le fait est que nous vivons une époque très difficile. Des temps qui décrivent des occupations, des conflits, et des guerres. Il est impératif que le COE continue à proclamer le message de paix et d’espérance. En effet, Jésus est notre paix et notre espérance. Ce n’est pas seulement le message, mais le don que nous pouvons offrir au monde. Toutefois, pour y parvenir avec succès et de manière crédible, les Églises membres doivent se retrouver, s’attacher au même message évangélique de paix, et proclamer le Christ en toute vérité plutôt que de se laisser influencer par les pouvoirs, les autorités, les partis, et les dirigeant-e-s politiques. En fin de compte, notre allégeance et notre foi doivent être fermement et profondément ancrées en Jésus-Christ, le Prince de la paix.
211. Je voudrais suggérer le processus suivant pour l’examen du rapport du GTPI lors de la réunion du Comité central. En plus de mon rapport sur ce sujet, une session spéciale sera organisée pour discuter du rapport du GTPI. Cette séance se concentrera intentionnellement et exclusivement sur le rapport du GTPI. Bien que tous les comités du Comité central soient censés recevoir le rapport du secrétaire général et aient la liberté de faire des commentaires sur n’importe quel point de ce rapport, afin de consolider les réponses aux recommandations du GTPI, je voudrais suggérer que tous les commentaires sur ce sujet soient envoyés au Comité du programme, et que ce Comité apporte les recommandations à la session de décision du Comité central. Cela permettra de traiter les recommandations de manière plus coordonnée et moins compliquée en vue de prendre des décisions.
212. Sexualité humaine. En juin 2023, le Comité central a approuvé par consensus la proposition suivante: «le Comité central du Conseil œcuménique des Églises demande au secrétaire général de créer des espaces sûrs pour l’apprentissage œcuménique et les conversations sur les questions contestées, en particulier sur la sexualité humaine, avec les Églises membres et les partenaires œcuméniques qui sont ouverts au dialogue sur ce sujet, en tenant compte de l’appel de l’Assemblée et des recommandations du Comité permanent sur le consensus et la collaboration (PCCC), et de faire rapport à ce sujet aux organes directeurs.»
213. Comme je l’ai indiqué au Comité exécutif, les Églises membres et les partenaires œcuméniques ont été informés de cette décision peu après la dernière session du Comité central. Quelques Églises membres ont demandé au COE de leur fournir les documents et l’étude que nous avons publié-e-s sur ce sujet, et d’autres demandes ont été reçues pour aider les Églises membres qui organisaient des conversations et/ou des consultations sur la sexualité humaine. Par ailleurs, il semble que les Églises membres qui se débattent avec ce sujet trouvent et parcourent leur propre chemin à travers ces défis qui se sont avérés très conflictuels dans certaines Églises.
214. Des partenaires œcuméniques, des organisations, et des groupes de personnes appartenant à des Églises membres du COE ont discuté de ce sujet avec le secrétaire général dans des espaces sécurisés. On constate que les personnes les plus touchées par cette question sont disposées et désireuses de dialoguer avec le COE à ce sujet, et je m’en réjouis.
215. Évaluation à mi-mandat. Il a été demandé au secrétaire général «de préparer un projet de liste de groupes de travail sur l’évaluation à mi-mandat pour examen par le Comité exécutif en mai 2025, en prévision de leur élection par le Comité central en juin 2025». Cette liste a été présentée à la réunion du Comité exécutif et sera soumise à l’approbation du Comité central.
216. Deuxième élection du Comité exécutif. L’une des principales questions pour le Comité central est la deuxième élection du Comité exécutif. À cet égard, il a été demandé au secrétaire général de «consulter les membres du Comité exécutif et du Comité central, les régions, et les familles d’Églises, sur la formation du deuxième Comité exécutif et de préparer un premier projet de profil pour discussion lors de la réunion du Comité exécutif en mai 2025, en préparation de l’élection par le Comité central en juin.» Dans le cadre de ce processus, j’ai écrit à tou-te-s les membres du Comité exécutif actuel pour savoir s’ils et elles étaient prêt-e-s à continuer à faire partie du Comité exécutif. Si certain-e-s membres ont répondu qu’ils-elles étaient prêts à se retirer, la majorité des membres ont exprimé le souhait de continuer. Ces informations ont été présentées au Comité exécutif de mai 2025 pour discussion et orientation. Le Comité exécutif a demandé au secrétaire général et à la direction du Comité central de préparer une liste de candidat-e-s à soumettre à l’examen et à l’approbation du Comité central.
217. Examen de la gouvernance. Il a été demandé au secrétaire général de «poursuivre l’élaboration du mandat du groupe de travail chargé de l’examen de la gouvernance et de préparer un projet de liste de candidat-e-s à soumettre à l’examen du Comité exécutif en mai 2025». Cela a été présenté au Comité exécutif du COE pour examen et il a été demandé au secrétaire général de travailler davantage sur cette question et de la présenter au Comité central après la réunion du Comité exécutif en juin.
218. Je prévois que cet examen devra porter sérieusement sur les structures actuelles et la taille de nos organes directeurs. S’il est nécessaire d’inclure autant d’Églises membres que possible dans les structures de gouvernance du COE, comme l’a demandé la dernière Assemblée, les défis financiers du COE dans les années à venir ne permettront pas l’expansion et la pleine représentation. À moins que les Églises membres ne soient prêtes à assumer l’entière responsabilité du financement de la participation de leurs représentants, la structure actuelle n’est pas financièrement viable.
219. Distorsions de la théologie. Il a été demandé au secrétaire général de «lancer une étude et un processus éducatif sur ces distorsions de la théologie (en cohérence avec les programmes déjà existants et avec les Églises membres) en vue de démanteler les motivations idéologiques politiques.» J’ai renvoyé cette tâche au thème transversal (T6) sur le racisme et les autres formes de discrimination. En tant que groupe transversal travaillant à travers et avec les différents programmes du COE, il est le mieux placé pour aller plus loin. Il travaille déjà sur ce sujet.
220. Comité exécutif de novembre. Le Comité exécutif de novembre 2025 est prévu en Chine. J’ai le plaisir d’annoncer que le Conseil chrétien de Chine fait de son mieux pour nous aider avec les aspects financiers de cette réunion. Toutefois, nous demandons aux Églises membres de soutenir financièrement les frais de voyage de leurs membres dans la mesure du possible.
221. La direction du Comité central se réunit une fois par mois et plus si nécessaire. J’apprécie les conseils, le soutien, et la sagesse que m’apportent le président et les vice-présidents. Chacun d’entre eux-elles a de nombreuses années d’expérience dans la direction d’Églises et d’organisations œcuméniques et, par-dessus tout, ils-elles sont profondément attaché-e-s au COE. Je leur suis reconnaissant du temps qu’ils m’ont consacré et des contributions qu’ils-elles m’ont apportées.
222. Les président-e-s du COE ont été plus intentionnellement intégré-e-s dans le travail de la communauté. Nous nous rencontrons en ligne au moins une fois par trimestre pour parler de leurs régions, des questions et des défis contextuel-le-s, et de la manière dont le COE peut nous aider dans notre pèlerinage commun. Les président-e-s assistent aux réunions régionales et représentent le COE lors d’anniversaires spéciaux et d’assemblées des Églises membres de leur région. Jusqu’à présent, six président-e-s se sont joints à moi pour visiter leurs régions et participer à des manifestations spéciales, notamment celles des conseils nationaux d’Églises et des organisations œcuméniques régionales. Outre l’accompagnement des président-e-s du COE, j’ai également rencontré des membres des comités centraux dans les régions, et certain-e-s d’entre eux-elles se sont joint-e-s à moi lors de voyages et de manifestations. Cette méthode a permis d’intégrer avec succès les responsables de la gouvernance à différents niveaux et de favoriser l’établissement de bonnes relations sur le terrain. Cette méthode a permis de renforcer considérablement les liens régionaux du COE.
Remarques finales
223. Ce rapport très long est présenté de manière à offrir une vue significative du travail du COE au cours des deux dernières années. Cependant, il ne couvre pas tout ce qui a été fait et qui est plus largement détaillé dans les rapports mensuels de responsabilité, sur le site Internet du COE, et sur les réseaux sociaux.
224. Je suis reconnaissant au personnel du COE pour le travail très professionnel et précieux qu’il accomplit. C’est grâce à leur dévouement et à leurs efforts inlassables au service de la communauté du COE que nous pouvons faire tout ce que nous faisons. Cette année a été extrêmement chargée jusqu’à présent avec toutes les activités œcuméniques spéciales, et ils-elles ont relevé les défis avec joie et service fidèle.
225. J’exprime mes sincères remerciements et ma gratitude à la direction du COE, au personnel, et à ma famille pour leur soutien, leur travail, et leurs encouragements continus. Sans le soutien de ma femme, Sandra, et de nos enfants, je ne serais pas en mesure de servir le Conseil comme je le fais. Je suis reconnaissant et béni.
226. Le COE est confronté à des temps difficiles en raison des réalités contextuelles et des contraintes financières, mais nous sommes convaincu-e-s que nous sommes là pour un but et que le Conseil est important et nécessaire pour continuer à servir Dieu, les Églises membres, les partenaires œcuméniques, et le monde dans son ensemble.
227. Pour reprendre les mots du prophète œcuménique de l’espérance de cette génération, feu Jűrgen Moltmann, «l’espérance chrétienne amène dans le présent le futur promis par Dieu et prépare le jour présent à ce futur... À la lumière de notre foi, en tant que chrétiens, nous pouvons honnêtement évaluer et affronter toute la force des défis contemporains de l’humanité, mais aussi expérimenter et instiller un espoir réaliste de les transcender.» Nous pouvons miser sur l’espérance, dit-il, parce que l’espérance recadre notre situation, invite à la créativité, et alimente notre engagement dans la cause de la justice. Une telle «vie dans la joie est déjà une anticipation de la vie éternelle... Dans la joie de l’avenir espéré, nous vivons ici et maintenant, complètement et entièrement, nous pleurons avec ceux qui pleurent et nous nous réjouissons avec ceux qui se réjouissent... La vie dans l’espérance n’est pas une demi-vie sous réserve; c’est une vie entière qui s’éveille aux couleurs de l’aube de la vie éternelle. »
228. Continuons à vivre dans l’espérance et l’action en servant Dieu dans le monde, un monde créé et béni par Dieu. À Dieu soit la gloire!
[1] Les procédures du groupe ont permis d’entendre les voix des personnes qui ne pensent pas que le mot «apartheid» devrait être utilisé pour discuter de la situation.
[2] En référence au document Kairos en Afrique du Sud.