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Dr Jürgen Moltmann in Bossey

Le Professeur Jürgen Moltmann s’adresse aux étudiant-e-s de l’Institut œcuménique du COE à Bossey le 3 décembre 2019.

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Moltmann était professeur émérite de théologie systématique à l’Université de Tübingen.

Œcuméniste engagé, Moltmann a été membre de la Commission de Foi et constitution du Conseil œcuménique des Églises (COE) de 1968 à 1983 et a pris part à de nombreux dialogues, réunions et conférences.

À l’annonce de son décès, le président du COE, l’évêque Heinrich Bedford-Strohm a affirmé: «Jürgen Moltmann était non seulement un de mes très bons amis. C’était également un grand ami du Conseil œcuménique des Églises et du mouvement œcuménique. Il y a été attaché toute sa vie. Sa théologie de l’espérance a marqué l’histoire de la théologie dans le monde. Non seulement un grand théologien s’en est allé, mais aussi un grand homme, qui avait un grand cœur. Il vit désormais la plénitude de l’amour du royaume de Dieu, qu’il a tant abordé dans ses écrits et qu’il a tellement propagé.»

Pour le secrétaire général du COE, le pasteur Jerry Pillay, «le décès de Jürgen Moltmann nous plonge toutes et tous dans la tristesse. Il a tellement apporté à l’œuvre œcuménique et une amitié profonde nous l’attachait au COE. Pour ma génération, la théologie de Moltmann était une source d’inspiration et en Afrique du Sud, nous la lisions avec avidité tandis que nous luttions avec espérance contre l’apartheid. Son travail continue de nous guider et de nous encourager.»

Le Père Prof. Ioan Sauca, secrétaire général par intérim du COE de 2020 à 2023 et au service du COE depuis 1994, s’est rappelé: «en qualité de directeur de l’Institut œcuménique de Bossey, j’ai accueilli plusieurs fois Jürgen Moltmann à l’Institut; il y a toujours entamé des discussions passionnées avec les étudiantes et les étudiants. Il portait également un grand intérêt au dialogue avec l’Orthodoxie et a tissé une relation et une amitié très fortes avec le théologien orthodoxe roumain Dumitru Stăniloae.»

Sauca d’ajouter: «Il a créé des possibilités de dialogue avec la théologie orthodoxe, surtout dans ses travaux sur la trinité, le Saint-Esprit et la clause du filioque». Sous l’égide de la Commission de Foi et constitution du COE, il a joué un rôle prépondérant dans l’élaboration du mémorandum de Klingenthal (1979) qui recommandait que toutes les Églises en reviennent au texte d’origine du Symbole de Nicée-Constantinople.

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Jürgen Moltmann and Elisabeth Moltmann-Wendel

Jürgen Moltmann et Elisabeth Moltmann-Wende en Allemagne, 1970.

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Précurseur de la théologie politique, de la théologie écologique et de la théologie chrétienne post-holocauste, Moltmann s’était peut-être surtout fait connaître pour son livre de 1964, Théologie de l’espérance. Études sur les fondements et les conséquences d’une eschatologie chrétienne (Theology of Hope: On the Ground and Implications of a Christian Eschatology), publié en anglais en 1967.

Ce livre revoit radicalement l’eschatologie, traditionnellement perçue comme la doctrine chrétienne «des fins dernières», pour se concentrer sur le fondement de l’espérance dans la foi chrétienne et l’exercice responsable de cette espérance dans les réflexions et les actions dans le monde aujourd’hui.

Très vite, ce livre a joui d’une renommée internationale, s’est constitué un lectorat tant d’académiciens que de laïques pour des décennies et a exercé une grande influence dans les Églises et la prédication.

Lors de la dernière visite de Moltmann au COE à Genève en 2019, il a proposé une conférence sur «L’esprit de la vérité», à l’occasion de la publication par le COE de son livre Hope in These Troubled Times (Espérances en des temps troubles).

«Le combat de la vérité contre le mensonge est une question de vie ou de mort. C’est une lutte pour la survie de l’humanité», avait affirmé Moltmann lors de cette conférence.

«La politique des puissances nationalistes ne s’intéresse plus à la vérité», avait-il soutenu. «Ces puissances mènent la guerre sous l’apparence de la paix, une forme hybride de la guerre, assortie de sanctions économiques et de cyberguerres, d’informations truquées et de mensonges».

Évoquant Moltmann, l’Évêque président de l’Église de Norvège, le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE de 2010 à 2020, a déclaré «À l’annonce du décès de Jürgen Moltmann, mon cœur est empli de chagrin et de profonde reconnaissance. Sa vie et son œuvre de théologien, d’enseignant et de leader pour les Églises au cours des dernières décennies sont un don unique et immense pour la communauté fraternelle œcuménique».

Et de continuer: «Moltmann a présenté les difficultés et les réponses profondes à y apporter grâce à ses compétences uniques et à une réflexion théologique approfondie, transmettant une foi et un amour envers le Dieu trinitaire, envers la création de Dieu, envers l’humanité une et envers les Églises et leur communauté fraternelle. À mes yeux, il a été un professeur et un guide dans nos travaux de théologiennes et théologiens et de responsables d’Église et je me rappellerai toujours les rencontres et les conversations agréables avec lui.»

L’originalité et la profondeur des travaux de Moltmann ainsi que l’étendue de ses centres d’intérêt et de ses sources lui ont valu un succès critique dans l’ensemble du spectre théologique, y compris auprès de théologiennes et théologiens orthodoxes, pentecôtistes et juifs.

Moltmann était un brillant penseur et un auteur prolifique. Pendant six décennies et au travers de 40 livres, il a étendu la théologie de l’espérance, revoyant des enjeux majeurs de la théologie chrétienne, notamment la croix et le salut, la Trinité, le Saint-Esprit, Dieu dans la création, ainsi que la théologie de la joie, la passion pour la vie, l’amitié et l’amour. Nombre de ces textes sont considérés comme des classiques.

Moltmann a apporté une contribution particulière aux travaux de Foi et constitution du COE sur un problème ancien et non résolu entre le christianisme oriental et occidental quant à la référence au Saint-Esprit dans le Symbole de Nicée-Constantinople de 381 de notre ère.

Contrairement au christianisme oriental, le christianisme occidental a eu recours au terme latin filioque pour indiquer que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Moltmann préférait utiliser le Symbole de Nicée sans interpolation du filioque, ce qui est désormais devenu la norme dans la vie de prière du COE.

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Le Professeur Jürgen Moltmann en visite au Centre œcuménique à Genève le 2 décembre 2019 pour y traiter de «L’esprit de la vérité» et de son dernier livre «Hope in These Troubled Times». L’un des théologiens les plus lus de notre époque, et cinquante ans après ses premiers ouvrages, Moltmann demeure un penseur en vue dans la théologie chrétienne, dans la théologie politique et écologique et dans la théologie de l’espérance. 

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La présidente de Foi et constitution, la pasteure Prof. Stephanie Dietrich a quant à elle déclaré: «nous faisons part de notre grande reconnaissance pour la vie de Jürgen Moltmann et pour son implication de longue date dans nos travaux. Il était l’illustration du leadership œcuménique, à l’écoute attentive des autres traditions tout en intégrant leurs perspectives théologiques. Sa théologie promouvait de nouvelles conceptions œcuméniques par-delà les limites confessionnelles pour encourager l’unité de l’Église dans le monde.»

Loin du simple optimisme, la véritable espérance chrétienne commence par la résurrection du Christ et sa promesse d’une nouvelle vie, explique Moltmann. Dans la crucifixion, nous voyons Dieu s’identifier aux êtres humains et à leurs souffrances; dans la résurrection, nous témoignons de la promesse de Dieu en vue de guérir et de transformer l’existence humaine et de toute la création. «Le Fils de Dieu abandonné est aux côtés de toutes celles et tous ceux qui se sentent abandonné-e-s», a-t-il écrit.

Moltmann est né en 1926 et, comme il le narre dans ses mémoires, A Broad Place: An Autobiography, (Un vaste endroit: Autobiographie) son enfance n’était pas particulièrement religieuse. Toutefois, ses expériences lors de la Seconde Guerre mondiale l’ont profondément meurtri et ses trois années passées comme prisonnier de guerre l’ont tout d’abord porté au désespoir et puis à la conversion, après avoir trouvé Dieu dans la souffrance humaine.

«J’ai commencé à comprendre le Christ assailli... qui emporte les prisonniers avec lui sur son chemin de la résurrection. J’ai commencé à rassembler le courage de revivre, saisi par une grande espérance», a-t-il écrit.

Moltmann a obtenu son doctorat de l’Université de Göttingen en 1952, pour ensuite entamer un pastorat à Bremen. Il occupe des postes de professeur à l'académie de l'église de Wuppertal et à l'université de Bonn. Il s'est finalement installé à Tübingen en 1967 et y a pris sa retraite en 1994.  

Il s’est marié en 1952 à Elisabeth Moltmann-Wendel, également une théologienne célèbre et pionnière de la théologie féministe contemporaine et de l’écothéologie. Moltmann et elle ont publié ensemble plusieurs ouvrages dont, Dieu, homme et femme. Ils donnaient fréquemment des conférences ensemble. Ils ont eu quatre filles.

L’un des derniers ouvrages de Moltmann, Resurrected to Eternal Life: On Dying and Rising (Résurrection en vie éternelle: Mourir et ressusciter), publié en 2021 en anglais, s’ouvre sur des réflexions personnelles intenses après le décès de sa femme en 2016. La vie éternelle est envisagée comme naissante à chaque instant, chaque nouveau commencement étant un avant-goût de la nouvelle création de Dieu.

«Le bonheur que nous tirons de l’amour et de la vie nous mène à chercher la plénitude de la vie et à l’appeler la vie éternelle», a écrit Moltmann. Il est accompli dans la résurrection qui «bannira l’obscurité de la création à jamais, jusqu’à ce que nous soyons unis dans la lumière.»

En savoir plus sur la conférence de Moltmann au COE sur «L’esprit de vérité»

Voir la publication du COE de Moltmann, Hope in These Troubled Times (L'espoir en ces temps troublés; en anglais)

Voir la publication du COE de Moltmann, The Living God and the Fulness of Life (Le Dieu vivant et la plénitude de la vie; en anglais)

Reconnaissance œcuménique pour Jürgen Moltman (en anglais)

En savoir plus sur la perception de l’espérance chrétienne par Moltmann (en anglais)