La discussion a permis de mettre en avant les causes profondes et les impacts très divers de l’urgence climatique, mais également d’exposer l’articulation entre climat, eau, alimentation et santé.
Harjeet Singh, expert mondial des impacts climatiques et de l’Initiative du traité de non-prolifération des combustibles fossiles, a souligné que si le changement climatique constitue la plus grande menace contre l'humanité au niveau mondial; il est manifeste que les mesures mises en place par les leaders mondiaux, d’où qu’ils proviennent, sont insuffisantes.
M. Singh est conscient que bien que l’énergie renouvelable ait connu un véritable essor, nous devons réfléchir à l’importance de la justice économique mondiale pour la justice climatique.
«Nous constatons des déplacements et des migrations à une échelle inédite, a-t-il développé. Nous devons parler de la diversification économique.»
Il constate toutefois que les communautés religieuses se font beaucoup plus entendre, et mènent davantage d’actions de plaidoyer. «Nous devons continuer à parler du soutien communautaire, a-t-il ajouté. Nous devons parler des solutions qui proviennent du terrain.»
Ingrid Jacobsen, conseillère en politiques pour Pain pour le Monde en Allemagne, a mis en lumière l’articulation entre climat, eau et alimentation, des problématiques auxquelles elle a ajouté celle de la terre. «Il y a aussi l’extraction minière, et l’industrie qui exerce une pression sur la terre, a-t-elle détaillé. Cela entraîne des conflits car si vous voulez produire de la nourriture, vous avez besoin d’accéder à la terre.»
Elle a évoqué la manière dont les Églises et les institutions religieuses disposent d’un prisme spécial pour envisager la justice climatique. «Pour synthétiser, qu’est-ce qui est important dans la justice climatique?, a-t-elle demandé. Qui sont les pollueurs, et qui sont les perdant-e-s?»
Elle a ajouté que les Églises et les groupes confessionnels pouvaient adopter une approche fondée sur les droits humains. «Cela signifie qu’en matière de sécurité alimentaire, il est important d’envisager le droit à l’alimentation, a-t-elle conclu. Il s’agit d’un droit humain.»
Gisela Schneider, directrice de l’Institut allemand pour la Mission médicale, s’est interrogée: que cela signifie-t-il lorsque le COE parle de santé et de guérison?
Dans le contexte actuel, a-t-elle expliqué, «la pauvreté se renforce, (…) nous constatons (aussi) des injustices et des guerres.»
Elle a également fait remarquer que le changement climatique provoque des catastrophes pour un très grand nombre de personnes, qui ne souffrent pas seulement physiquement mais également psychologiquement. «La santé mentale se détériore, et il y a plus de conflits que jamais», a-t-elle conclu.
Le pasteur Glen Chebon Kernell de l’Église méthodiste unie aux États-Unis, également aîné ordonné de la Oklahoma Indian Missionary Conference, a déclaré être venu avec un grand respect pour chacun-e de ses proches présent-e-s dans la salle. «Nous devons nous rendre compte du fait que, partout dans le monde, les cultures autochtones vivent en harmonie avec la Terre depuis des millénaires et des millénaires, a-t-il déclaré. Or seuls deux pour cent de cette planète sont toujours dans leur état naturel.
Sans les peuples autochtones, il y a peu d’espoir», a-t-il ajouté. «Voilà où nous en sommes aujourd’hui. L’espèce humaine s’est illustrée par sa désobéissance et sa violence», a-t-il conclu.
Le modérateur de la discussion, l’archevêque Thompson, a fait part de sa gratitude pour les réflexions de M. Kernell, lui répondant ainsi: «Je souhaiterais ajouter que nous devons nous intéresser de près à la spiritualité que nos frères et sœurs autochtones incarnent en tant que bon-ne-s intendant-e-s de notre Terre Mère.»
La pasteure Hyunju Bae, de l’Église presbytérienne de Corée, a évoqué l’abus de pouvoir comme facteur déterminant dans les injustices du monde actuel. «Les Églises doivent jouer un rôle important dans la lutte contre la structure de la cupidité, et ce à tous les niveaux, a-t-elle expliqué. Il est encourageant de se rappeler qu’aux heures sombres de l’apartheid en Afrique du Sud, le COE n’a pas hésité à appeler au retrait des investissements et des prêts.»
Elle a indiqué que récemment, les Églises coréennes ont créé une «feuille de route» pour se diriger vers une approche plus juste de l’économie et du climat. «Le défi, désormais, est de transformer cette feuille de route en réalité, a-t-elle ajouté. J’espère que ces conversations émergentes des Églises coréennes pourront former, à la fois au niveau local et national, un groupe nous permettant d’entreprendre ce voyage ensemble.»
Kevin Maina, directeur de l’Initiative des jeunes théologiens pour l’action climatique, a été le dernier participant de la table ronde à s’exprimer. Il a souligné que se battre pour le véritable changement, et le défendre, demande du courage. «C’est très significatif pour les personnes que vous menez, a-t-il expliqué. C’est une immense opportunité pour les Églises. N’ayons pas peur de nous faire entendre, car la mobilisation, c’est nous qui en sommes à l’origine.»
Galerie de photos: La réunion conjointe de trois Commissions du COE - mars 2024